La saison estivale revêt souvent une temporalité différente du reste de l’année. Que l’on prenne des vacances ou non, que l’on soit parent ou non, que l’on soit à la ville ou à la campagne, en cohabitation ou seul, il s’agit d’un moment propice pour s’interroger sur la manière dont nous utilisons notre temps. Toute l’année, nous sommes embarqués dans un flot continu de grandes obligations et de petits plaisirs temporaires, dans une alternance entre tension et écroulement. Nous vous proposons ici quelques idées pour faire de cet été une trêve temporelle, une occasion de repenser ce que nous faisons du temps dont nous disposons.  

Prendre soin de notre lien à nous-mêmes

  1. Ralentir. 

Qu’il s’agisse du nombre d’activités que nous casons dans une journée ou de la pression que nous mettons sur chacune, la proposition est de sortir du cadre qui nous impose la performance, surtout dans nos relations et nos loisirs. Cela s’applique à l’organisation des vacances si vous êtes dans cette situation. Lâchons prise ! Les vacances sont là pour nous reposer, nous détendre, nous créer des souvenirs, pas nous stresser : le but n’est pas de “visiter le maximum de monuments en une journée”, ni d’avoir un planning parfait et équilibré. Nous pouvons choisir de privilégier la qualité des moments plutôt que la quantité, de faire moins et de faire mieux. Nous pouvons évaluer notre ordre de préférence entre des vacances parfaitement organisées, qui peuvent être sources de tensions en cas d’imprévus, ou des vacances plus chaotiques, où le plaisir vient d’abord des rencontres et du temps passé à exister. Ainsi, on prend soin de nous-mêmes et des autres ! 

L’action à essayer : lâcher prise sur l’image fantasmée que nous avons de notre été et profiter de ce qui vient, lâcher nos attentes. 

  1. Réintégrer le vivant. 

Ralentir et retrouver un temps plus lent permet aussi de profiter de moments comme les balades. Plus de volonté d’optimiser le temps en associant course à pied, podcast et air frais – même si cela est très appréciable aussi ! On vous propose de simplement marcher, lentement, en regardant le paysage, qu’il soit urbain ou rural, et les êtres que vous rencontrez, avec bienveillance : humains, animaux, insectes, fleurs et arbres. Pour nous reconnecter au vivant, nous pouvons aussi nous rappeler des êtres qui nous sont proches, en se réservant du temps chaque jour, passé par exemple à simplement profiter de la présence de son animal de compagnie. Si vous n’avez pas d’animal, le chant des oiseaux ou la danse des insectes pollinisateurs peuvent être le centre d’un moment privilégié pour soi. 

L’action à essayer : une balade en pleine conscience, en admirant le travail des insectes, même ceux habituellement mal-aimés (moustiques, guêpes, fourmis, vers de terre…). 

  1. Se reposer et cultiver sa joie. 

Prenez du temps pour vous ! Essayons de diminuer les contraintes sociales de performance que nous nous imposons et que nous imposons aux autres. La joie est un indicateur que vous faites une activité qui a du sens, que vous ne perdez pas votre temps, même si vous n’êtes pas en train de travailler, ou de vous atteler à des tâches nécessaires comme les tâches ménagères. Par exemple, nous vous proposons une playlist inspirante pour l’été, pour un moment à soi, se poser et écouter les notes et les paroles de ces chansons que nous avons sélectionnées pour vous !

L’action à essayer : Prendre du temps pour soi et écouter notre playlist inspirante de l’été

Nourrir les liens avec nos proches

  1. Se reconnecter à nos valeurs. 

Cet été, nous pouvons nous interroger sur ce qui est prioritaire et fondamental dans notre vie, et ce à quoi nous dédions notre temps. S’il y a un décalage, peut-être est-il temps de réajuster les curseurs ? Pour cela, nous pouvons lister nos valeurs. Nous vous proposons de le faire dès maintenant, et d’utiliser cette ressource essentielle pour guider votre été d’abord, puis si cela vous nourrit, de le mettre en place au long cours. Selon François Bourgognon, les valeurs sont “ce qui est beau, bon et juste”, c’est ce qui donne un sens à notre vie. 

Ce sont les sujets qui nous touchent, une action liée à nos valeurs fait que notre journée aura eu du sens. Il ne s’agit pas ici de plaisir et de sensations agréables, mais de sens profond. Par exemple, la famille, la justice, l’honnêteté, l’amitié, le partage, la découverte, l’apprentissage, la bienveillance sont des valeurs. Il en existe une infinité. Nous pouvons en lister une dizaine, qui correspondent à ce qui est primordial pour nous, donne du sens. Une manière de trouver nos valeurs est aussi d’interroger notre colère. En effet, la colère arrive souvent lorsque l’une de nos valeurs est bafouée

En face de chaque valeur que nous avons listée, nous pouvons y mettre des verbes d’action. Parfois, une action permet de nourrir plusieurs valeurs en même temps. Par exemple : 

  • Bienveillance : prendre soin des autres, faire des courses pour notre grand-mère. 
  • Famille : Appeler un cousin lointain, organiser un dîner. 
  • Découverte : aller dans un musée. 

Lorsque l’on liste nos valeurs, on peut décider de privilégier les actions qui donnent du sens à notre existence. Cela implique de faire peut-être plus imparfaitement ce que l’on délaissera au profit du temps passé avec ce que nous décidons qui devient prioritaire. Mais aligner ses valeurs et son emploi du temps permet une vie plus cohérente. Évidemment, les contraintes font qu’il n’est pas toujours possible de moins travailler, de moins faire de trajets, et nous ne cherchons pas à créer de la culpabilité. Nous suggérons simplement de partager son temps de manière consciente, en délimitant les sacrifices que l’on est prêt à faire. 

L’action à essayer : lister nos valeurs et repenser notre temps en fonction. 

  1. Être présent à son entourage. 

Une soirée de temps en temps, cet été, nous vous proposons de mettre les écrans de côté, et de passer un moment convivial avec des proches : enfants, parents, amis, colocataires… Regarder les étoiles, échanger des banalités ou avoir une grande discussion, faire une activité manuelle, un jeu de société, le jeu est de passer outre la sensation de vide au premier abord, et le réflexe de se demander si une notification est apparue. Pendant quelques heures, être entièrement présent à son corps, ressentir la présence des personnes dans la pièce, de ce qu’elles nous font ressentir, des fluctuations selon les conversations et les activités. Cela vaut également pour les personnes qui sont plus loin de nous. Appeler les amis auxquels nous n’avons pas parlé depuis un moment, envoyer une lettre, prendre des nouvelles des personnes âgées de notre famille. 

L’action à essayer : une soirée sans écrans pour toutes les personnes du foyer qui ont envie de tenter l’expérience

  1. Faire un pas vers les autres. 

La meilleure manière de se connecter à quelqu’un est de l’écouter. Simplement d’écouter. Peut être que la plus belle chose qu’on peut s’apporter est notre attention. Un silence aimant a beaucoup plus de pouvoir pour guérir et connecter que les mots les mieux intentionnés.

Rachel Naomi Remen

Cette décision d’être plus présent aux autres est valable pour les personnes de notre entourage mais également pour celles qui n’en font pas, ou plus, partie. Il y a des personnes qui ont été dans notre vie mais dont l’on s’est éloigné, ou dont nous n’avons pas eu l’occasion de nous rapprocher. Des cousins, oncles, tantes, neveux, nièces, amis de nos parents. La reprise de contact semble être une promesse de gêne et de malaise, de silence démuni. Mais si nous parvenons à nous confronter à cela, nous pouvons créer et recréer des liens précieux. Nous pouvons peut-être tendre une main vers quelqu’un qui avait besoin de compagnie, ou d’une simple conversation, et ainsi tendre une main à nous-même également. Nous ne proposons pas de renouer les relations toxiques dont vous avez pu vous extraire, mais de passer outre le sentiment de gêne qui plane sur les relations distendues. Cette sensation est généralement partagée des deux côtés, et justifie que les deux parties ne fassent pas pas de pas vers l’autre, alors que passé ce moment de gêne, le lien sera teinté de la joie des retrouvailles

L’action à essayer : proposer d’aller boire un café ou un appel avec une personne que l’on a perdue de vue.

Tisser des liens dans la société

  1. Cultiver l’esprit de communauté et de partage. 

Si à la campagne, nous connaissons souvent nos voisins, ce n’est pas toujours le cas en ville, surtout lorsqu’elles sont grandes et denses. La fête des voisins du mois de juin nous donne l’occasion d’entrer en contact avec les personnes qui habitent autour de nous. Que vous ayez profité de cette opportunité ou non, nous vous proposons cet été de cultiver l’esprit de communauté, en allant rencontrer vos voisins lorsque vous ne les connaissez pas, en prenant le temps de discuter, à la boulangerie, dans une cage d’escalier. Nous pouvons même réapprendre à partager nos ressources, lorsque cela est possible : nous pouvons inviter les voisins à profiter ensemble de notre balcon ou terrasse ombragée… Ou simplement à savourer un repas, un apéritif. 

En ces périodes de fortes chaleurs que nous connaissons, et qui vont être de plus en plus fréquentes, et même devenir notre nouvelle normalité, nous pouvons commencer à créer des chaînes et gestes de solidarité dans notre communauté géographique. Ainsi, nous pouvons offrir aux personnes âgées vivant autour de nous de faire leurs courses, ou tout simplement passer les voir de temps en temps et vérifier qu’elles vont bien et ne manquent de rien. Une conversation est parfois ce dont quelqu’un a besoin. Il suffit de se souvenir de nos priorités et de créer le temps pour que cela soit possible. 

Cette solidarité vaut pour toutes les personnes autour de nous. Ainsi, les personnes en situation de rue souffrent beaucoup de la chaleur. Nous pouvons donc nous arrêter, quelques minutes, pour discuter simplement : comment-allez vous aujourd’hui ? Pour engager une conversation, nous pouvons nous présenter, demander leur prénom. Puis, proposer ce dont la personne pourrait avoir besoin : d’eau, de nourriture, en tenant compte de ce qu’elle mange ou non et apprécie – le but est de rendre service et non de fantasmer les besoins et préférences des personnes. 

L’action à essayer : engager la conversation avec un ou une voisine, lui proposer de lui rendre service ou l’inviter à partager un moment convivial.

  1. Développer nos comportements altruistes.

Ainsi que l’explique Matthieu Ricard, l’altruisme est la meilleure manière d’agir pour l’environnement. En effet, pourquoi adapter son comportement si on ne le fait que pour un intérêt personnel ? Il est évident que la crise du système Terre aura et a déjà des conséquences sur chacun d’entre nous, rendant les pratiques écologiques nécessaires pour tous. Mais si l’on pratique ce changement uniquement par intérêt personnel, nous passons à côté d’une dimension fondamentale de l’écologie, qui prend soin de soi, des autres, et de l’écosystème. 

La solidarité est donc de mise. Par exemple, peut-être pouvons-nous déjà éviter les dépenses d’eau inutiles, sans attendre les restrictions légales. 

Les jardins sont un bon moyen de pratiquer les gestes altruistes, par exemple en ne tondant pas cette année, pour laisser la vie reprendre son cours : les insectes pourront ainsi vivre pleinement leur vie de pollinisateurs, de recycleurs et aérateurs de la terre, et cela favorisera les chaînes alimentaires, par exemple en offrant une nourriture abondante aux oiseaux du voisinage. Nous pouvons aussi éviter d’ôter la vie des êtres dont nous considérons que la vie vaut moins que notre confort. Ainsi, nous pouvons trouver des moyens de ne pas être piqués par les moustiques sans utiliser de pièges mortels, ou faire fuir les mouches sans les électrifier. 

L’action à essayer : ne pas tondre le jardin cette année et laisser la vie s’épanouir dans la nature sauvage, ou mettre des plantes attirant les pollinisateurs à son balcon pour créer des dynamiques positives.

  1. Réevaluer le coût de la facilité. 

Peut-être pouvons-nous nous interroger sur la valeur de notre temps, que nous imaginons prioritaire sur les intérêts collectifs. Ralentir permet de savourer le trajet et de s’accorder le temps de préférer les trajets qui émettent moins de carbone : sommes-nous si pressés que nous ne pouvons prendre le train plutôt que la voiture ou l’avion pour partir en vacances ? Et si la raison est la combinaison de la durée courte de nos vacances et la distance qui nous sépare de la destination, serait-il possible de s’interroger sur la nécessité et la saveur pour nous de partir si loin, pour si peu de temps. Nous pouvons nous demander : pourquoi ? Cela s’appelle la sobriété heureuse

Cela vaut également pour les personnes qui ne partent pas en vacances. Ralentir et prendre les transports en commun pour aller travailler. Nous devenons contraints par des horaires que nous ne choisissons plus, mais cela crée aussi des plages de temps que nous n’aurions pas eues par ailleurs. Si vous ne prenez pas le bus, qui vous donnera les 15 minutes rien qu’à vous, dédiées à l’écoute de votre playlist, pendant que vous l’attendez ? Qui vous laissera regarder le paysage pendant une demie-heure, en laissant vos pensées vagabonder ? Les moments de temps “perdu” sont peut-être une aubaine, à redécouvrir cet été

La même question s’applique à la valeur que nous donnons à l’environnement, par rapport aux efforts que cela nous coûte. Cet été, ne pas utiliser de vaisselle jetable, malgré les vacances ou les pique-nique dans les parcs. Cela coûte un effort : il faut ramener un sac aussi lourd au retour qu’à l’aller, avec de la vaisselle sale, puis la laver lorsque l’on rentre. C’est moins pratique que la vaisselle en plastique, et même celle en carton (qui nous donne bonne conscience), mais est-ce que l’effort est si grand par rapport au coût pour l’environnement des déchets qui finissent dans la nature, les océans, et ceux qui, même traités, sont envoyés dans d’autres pays pour être enfouis ou brûlés ?

L’action à essayer : abandonner l’option de l’avion et profiter du temps réel des trajets. 

  1. S’ouvrir au monde. 

Le ralentissement que nous proposons pour cet été permet de nous dégager du temps. Celui-ci peut être utilisé d’une manière qui correspond à nos valeurs. Par exemple, nous vous invitons à dédier un créneau de votre semaine à vous ouvrir au monde, à vous renseigner sur les actions inspirantes, ou les sujets qui pourraient nécessiter un engagement de votre part. Nous vous proposons ces quelques ressources, à explorer et à savourer. Peut-être serez-vous étonnés par certaines analyses, désarçonnés, voire en franc désaccord. Peut-être que vous découvrirez un angle dont vous n’aviez pas conscience, que des aspects de votre quotidien ou de ce que vous entendez autour de vous prendra sens. Il s’agit simplement ici d’être ouvert, dans une volonté d’écoute ou de lecture active. Accueillir les différentes visions d’un monde que nous partageons, et sortir de notre point de vue personnel, qui ne peut saisir toutes les complexités et nuances des réalités sociales. 

Livres

  • L’Odyssée des Vivants – Louise Brwaeys et EVH
  • La théorie du donut – Kate Raworth
  • Ralentir ou périr – Timothée Parrique
  • Tout sur l’amour – bell hooks
  • Le plaidoyer pour le vivant – Matthieu Ricard

Films 

  • Don’t look Up – Adam McKay
  • A la recherche du bonheur – Gabriele Muccino
  • Libre et assoupi – Benjamin Guedj

Séries

  • Le goût de vivre – Attica Locke, d’après le roman From scratch : a memoir of Love, Sicily and finding home – Tembi Locke
  • Heartstopper – Alice Oseman, d’après son roman graphique
  • Grace and Frankie – Martha Kauffman et Howard J. Morris
  • Normal people – Lennie Abrahamson et Hettie MacDonald
  • Atypical – Robia Rashid

Documentaires

  • Bigger than Us – Flore Vasseur
  • Notre planète a ses limites – David Attenborough et Johan Rockström (Breaking boundaries : the science of our planet
  • La sagesse de la pieuvre – Pippa Ehrlich et James Reed ( My octopus teacher)
  • Un monde nouveau – Vittorio De Sica
  • Pourquoi on se bat ? – Solal Moisan et Camille Etienne

Humour

  • Nicolas Meyrieux 
  • Gaetan Gabriele
  • Insomnie