Nous sommes confrontés à une nouvelle forme de responsabilité : c’est que nos actions ont un impact considérable sur le sort des générations à venir, des êtres humains, des 8 Millions d’espèces animales et ce sort est entre nos mains aujourd’hui.
Matthieu Ricard
Aujourd’hui, nos propres comportements ont des répercussions sur nous-mêmes mais aussi sur les autres êtres vivants. Notre pouvoir d’impact est tel, qu’il est essentiel de prendre conscience de l’importance de l’altruisme pour façonner un monde meilleur. Matthieu Ricard explique en effet que l’altruisme n’est pas un luxe mais une nécessité à notre époque. Des actions peuvent être mises en place localement, c’est-à-dire en les intégrant à notre routine quotidienne. Il est aussi possible de dépasser nos propres frontières et d’agir en faveur du collectif, à échelle globale.
Nous sommes porteurs et porteuses d’un potentiel altruiste que nous pouvons cultiver de mille et une manières. Dans cet esprit, nous proposons chez Karuna-Shechen, un triptyque qui réunit : l’inspiration, l’entraînement et l’engagement.
Ne cédons pas à l’individualisme
Au fil de ces dernières années, bon nombre d’entre-nous ont vu émerger de l’anxiété dans leur entourage.
Nous pouvons citer les crises sanitaires, catastrophes naturelles, l’inflation ou encore les guerres et leurs impacts directs sur les individus… Ce ne sont que quelques situations parmi tant d’autres qui peuvent créer un repli sur soi, de la détresse empathique ou même de la solitude. Autrement dit, une envie de s’en sortir et de se protéger en étant plus individualiste, allant jusqu’à en oublier le monde qui nous entoure.
Combien d’entre nous ont déjà pensé : “Ce n’est qu’un pull”; “Ce n’est qu’un aller-retour en voiture”; “C’est juste de la viande”; “Je ne peux pas agir à mon échelle” ? Tout cela sans se soucier de ce que ce “simple” aller-retour engendrerait pour l’environnement ? Ou de la provenance de ce pull ? Ni même des conditions d’élevage et d’abattage de cette viande ?
L’objectif de cette réflexion n’est pas de culpabiliser, mais plutôt de réfléchir aussi bien aux causes, qu’aux conséquences de nos actes liées à notre interdépendance.
Nous avons en effet une tendance à chercher toujours plus de sensations agréables, et à rejeter les sensations désagréables. C’est cet état de fait qui engendre nos achats compulsifs, notre consommation de viande, notre fuite des moments désagréables, notre réaction à fermer les yeux devant des injustices, etc.
En conséquence de ces réactions, nous risquons d’être enfermé dans un état d’égocentrisme. Nous penserons que notre bonheur dépend de nous-même et partirons à sa poursuite. Ne parvenant pas à l’atteindre, de la frustration peut en émerger et l’inverse de ce que nous recherchions peut se produire : nous en deviendrons malheureux.
Il reste cependant fondamental de prendre soin de soi en veillant à ne pas placer notre recherche de confort en opposition au bonheur et à l’humanité. Penser que notre plaisir fait notre bonheur est une erreur que l’on est tous et toutes susceptibles de faire.
Si vous ne savez pas comment prendre soin de vous et de la violence en vous, vous ne pourrez pas prendre soin des autres. (…) Si vous êtes irrité, vous ne pouvez pas vous écouter. Vous devez savoir respirer consciemment, embrasser votre irritation et la transformer.
Moine Thich Nhat Hanh
Plus on a de plaisir, moins on a de bonheur
Robert Luftig, chercheur, explique que le plaisir, qui est “de courte durée et matériel”, nous pousse constamment à rechercher de nouvelles sources de plaisir. C’est tout l’inverse du bonheur qui est lui, plus durable et axé sur des aspects moins solitaires de la vie.
Prenons l’exemple de notre chocolat favori : en mangeant deux tablettes, j’assouvirai un plaisir. Cette gourmandise risquera ensuite de créer un déplaisir en raison des douleurs d’estomac qui suivront.
De plus, la recherche de satisfaction créée par le plaisir est influencée par la rareté : si je peux acheter tout ce que je veux, quand je le souhaite, ces objets n’auront plus aucune valeur réelle. En fait, la facilité d’accès à certains biens les rend moins attrayants, il n’y a donc plus de satisfaction.
Or, la satisfaction réside en réalité dans l’appréciation des choses que l’on possède, dans nos engagements et le fait de sentir que nous faisons des actions qui ont du sens pour nous, comme le philosophe Fabrice Midal le rappelle.
Nous pensons qu’une vie heureuse c’est le bien-être, alors dès que nous souffrons, nous pensons que nous sommes en faute, qu’il y a un dysfonctionnement, et donc on se sent coupable. Ce modèle du bonheur nous condamne à la souffrance, l’impuissance et la culpabilité
Fabrice Midal
La solution est plus proche qu’on ne le croit
Nous pouvons agir, à notre rythme, à notre échelle. A commencer localement. Les êtres humains sont les membres d’une même famille, entourés de plusieurs millions d’espèces. En unissant nos forces nous pouvons nous impacter positivement.
Chercher l’inspiration autour de soi
Virginie Ferrara rappelle que se comparer n’est pas toujours négatif, tant que le but est de chercher à s’améliorer.
Nous pouvons identifier des inspirations autour de nous : au sein de nos familles, au travail ou encore, des actes de bienveillance dans la rue.
Prenons maintenant un temps pour réfléchir aux personnalités qui nous inspirent.
Dans notre enfance déjà, nous considérions parfois des personnes de notre entourage comme nos modèles. D’autres fois, nous aspirions à devenir un ou une super-héroïne. Nous rêvions d’avoir un super-pouvoir ou encore de pouvoir sauver le monde…
Aujourd’hui encore, nous sommes parfois inspirés par notre entourage, des personnalités publiques ou fictionnelles. A travers leurs qualités, aptitudes physiques ou forces mentales, elles révèlent en nous des aptitudes parfois refoulées inconsciemment (Luce Janin-Devillars). D’autres suscitent notre curiosité, nous rassurent ou nous encouragent à révéler le meilleur de nous même.
Ce désir de s’identifier à des personnes inspirantes est un signe de bonne santé psychique. Cela montre une envie d’évoluer, de continuer à se construire et enrichir sa personnalité tout au long de la vie.
Saverio Tomasella, docteur en psychologie clinique
Il est d’ailleurs important de penser à exprimer notre gratitude envers ces héros et héroïnes du quotidien et les actes de bienveillance qui nous aident à évoluer et faire évoluer le monde.
Inspirez-vous lors des Rencontres Altruistes samedi 25 et dimanche 26 mai 2024
Accueillir ses émotions est essentiel
Nous ne pouvons pas toujours anticiper l’avenir, et par conséquent, nos émotions. C’est pour cela que nous devons nous entraîner, nous donner les moyens de mieux les accueillir et les comprendre.
Nous ne sommes pas notre état
Il est important de se dissocier de son état, sans pour autant le fuir car comme le rappelle Matthieu Ricard,“être anxieux ne veut pas dire être l’anxiété”. Ressentir de la douleur ou de la souffrance fait partie de notre existence, c’est pour cela qu’il faut apprendre à les comprendre.
Distinguer la souffrance de la douleur
Tout d’abord, il est essentiel de savoir que la douleur peut être physique mais aussi morale. C’est à la fois une sensation désagréable que l’on ressent dans une partie du corps et un sentiment pénible, dans le sens de douleur morale. A celle-ci s’ajoute la souffrance : l’impact de la douleur et la place qu’elle occupe dans nos pensées et notre vie. C’est comme se cogner la jambe contre un meuble, se blesser (douleur) et se plaindre que cela n’arrive qu’à nous (souffrance).
La douleur dans nos vies est inévitable. Puisque c’est inévitable, il y a mieux à faire que de chercher à l’éviter. Et ce mieux à faire ça va être de dégager l’énergie de la lutte contre nos ressenties pour pouvoir la mettre au service de ce qui compte pour nous.
François Bourgognon, psychothérapeute
Agir vers quelque chose qui a du sens
Afin d’accueillir la douleur et de vivre en harmonie avec ses états, il faut identifier ce qui a du sens pour nous. En d’autres termes, trouver ce qui est en accord avec nos valeurs, nos désirs, ce qui a une réelle signification. Cela implique de comprendre ce qui se passe en soi et autour de soi, à la fois dans la vie personnelle et professionnelle, notamment en réalisant une introspection, en s’ouvrant aux autres ou encore, en agissant pour le bien commun. Mettre en place des actions quotidiennes permet de cultiver son potentiel altruiste.
Prendre soin de soi et des autres
On peut par exemple commencer par prendre du temps pour soi, pour s’écouter et identifier les pratiques quotidiennes qui nous aideront à cultiver notre bien-être. Elles peuvent même être réalisées collectivement afin de s’entraider et d’échanger, avec des cercles de paroles par exemple. Le but est d’être dans la compassion et le partage. La compassion et notamment l’auto-compassion, est une valeur fondamentale car comme le rappelle Kristin Neff, professeure en développement humain :
L’auto-compassion, c’est faire preuve de bienveillance envers soi-même en tant qu’être humain imparti et à apprendre à faire face avec plus d’aisance aux inévitables difficultés de la vie.
Kristin Neff
Cela peut passer par le fait de pratiquer la réjouissance. C’est une façon de se faire plaisir, sainement, en faisant des choses qui nous apportent de la joie telles que :
- Faire trois activités qu’on apprécie dans la journée : aller courir trente minutes, faire de la couture, dessiner, s’asseoir dans la nature, méditer…
- Se créer un carnet de réjouissances, dans lequel nous listons les moments qui nous ont rendu heureux dans la journée.
Il nous arrive d’être surmené à tel point que nous nous oublions. Nous oublions de faire ce qu’on aime. La réjouissance à le pouvoir d’illuminer notre routine quotidienne.
Réaliser des actions simples mais significatives
Afin que l’inspiration et l’entraînement ne servent pas qu’à nourrir notre propre égo, nous pouvons intégrer l’engagement à notre routine. C’est-à-dire, réaliser des actions simples mais qui ont du sens, en étant tourné vers les personnes qui nous entourent : notre famille, nos amis ou encore nos collègues de travail par exemple. Le but est d’être dans le partage et la compassion, valeur fondamentale de l’engagement. Elle vise à essayer de mieux comprendre les autres en les accompagnant dans la bienveillance. Autrement dit, mettre la pleine conscience au service du bien-être collectif.
Concrètement, quand je vis une émotion difficile, le psychiatre François Bourgnon propose un outil pragmatique, les 5R (“à pratiquer quand nous avons besoin d’air”) :
- Ralentir : Se calmer, ne pas réagir de manière impulsive.
- Regarder : Regarder ce qu’il se passe en soi : les pensées, les sensations, les émotions.
- Respirer : Respirer pour se calmer. Inspirer profondément, expirer profondément.
- Reconnaître : Reconnaître la valeur qui est en jeu, le besoin qui est derrière l’émotion.
- Répondre : Poser un acte concret, une action qui va dans le sens de nos valeurs.
Il s’agit donc, désormais, de réinventer un autre discours, une autre narration, fondé sur la mutualisation, sur la conscience, sur la valorisation des liens plutôt que des biens, sur la liberté aussi.
Claire Nouvian, Fondatrice de Bloom
Cultivez votre engagement lors des Rencontres Altruistes samedi 25 et dimanche 26 mai 2024
Comment est-il possible d’adopter un comportement plus altruiste sans avoir conscience du lien d’interdépendance qui unit les êtres vivants les uns aux autres ?
Comprendre notre interdépendance
Cette dépendance réciproque est présente tout au long du processus de vie et s’applique aussi bien “à des gènes qu’à des bactéries ou à des animaux supérieurs”.
Si nous réfléchissons, nous sommes nous-même, en tant qu’êtres humains le fruit de l’interdépendance entre chromosomes et cellules qui se sont alliées. Nous vivons en interdépendance avec les arbres qui aspirent les gaz polluants, nous permettant de mieux respirer. Nous cohabitons avec les abeilles qui permettent aux plantes de se reproduire grâce au pollen qu’elles répandent. L’univers abrite le ciel qui contient des nuages, qui eux-mêmes permettent à la pluie de tomber. La pluie tombe sur les plantes et leur permet de pousser…
Ce processus n’a pas vraiment de limite dans le temps. La relation d’interdépendance existe entre les êtres depuis la création du monde. Nous la transmettons nous-mêmes aux générations suivantes, parfois, de manière tout à fait inconsciente. Nous avons en fait hérité de la Terre des générations précédentes. Et par conséquent, l’état de celle que nous transmettront à l’avenir dépend de nos habitudes.
Acheter un tee-shirt n’est pas un acte si banal
La période des beaux jours arrivant, prenons l’exemple d’un petit tee-shirt acheté dans une enseigne de prêt-à-porter.
Si nous nous doutons qu’il n’est pas forcément fabriqué juste pour nous dans l’arrière boutique, nous ne pensons pas systématiquement au fait qu’il est le reflet d’une interdépendance importante.
D’où vient la matière première ? Qui l’a cousu ? Dans quelles conditions ? La personne a-t-elle perçu un salaire à la hauteur de son travail ? Quel trajet a parcouru ce tee-shirt avant d’être mis en rayon ?
Tant d’interrogations illustrants que notre impact sur le monde qui nous entoure va au-delà des limites de notre existence individuelle.
En cultivant la qualité des relations humaines, le lien social, le sentiment d’appartenance, la bienveillance, la sollicitude, la passion et l’amour Altruiste nous avons beaucoup plus de chance de triompher ensemble
Matthieu Ricard
Notre indépendance rythme notre existence
L’exemple de l’achat d’un tee-shirt reflète un acte de pleine conscience. Nous pouvons l’appliquer à chaque geste de la vie quotidienne. Nous pouvons aussi manger en pleine conscience, en pensant à la provenance des ingrédients de notre plat préféré, aux personnes qui l’ont concocté, etc…
Tout cela peut susciter en nous, des sentiments variés : de la gratitude, de la mélancolie, de la joie… En adoptant la pleine conscience, nous ne verrons plus du même œil ces actes que l’on perçoit souvent comme banals.
Attention à ne pas tomber dans la culpabilité et un sentiment d’impuissance. Voyons nos actes en interdépendance : ceux que nous pouvons changer, mais aussi ceux qui prennent soin des autres, de la planète, et de nous même !
A propos de la pleine conscience : Elle permet surtout de travailler son discernement, de distinguer l’urgent de l’important, de répondre avec attention plutôt que de réagir avec rapidité.
Christophe André, psychothérapeute
Consommer en pleine conscience
Penser à cette interdépendance nous renvoie à nos propres manières de consommer. Notre consommation affecte non seulement notre santé, mais aussi le bien-être des animaux, la santé des sols, et même l’état de la planète.
Comprendre cela permet de s’ouvrir à une consommation plus consciente, empreinte de respect et de responsabilité envers tous les êtres vivants.
Nous ne sommes pas notre état
S’engager peut se faire pas à pas. Dans cette idée, nous pouvons adopter la technique des 4P : Plus Petits Pas Possibles. Elle consiste à prendre des engagements qui sont à notre portée, de façon à pouvoir et vouloir les réaliser : rentrer chez soi à pied plutôt qu’en bus, regarder davantage la provenance des produits que j’achète ou encore, n’acheter que ce dont j’ai besoin.
La méthode BISOU peut nous aider à devenir un ou une consommatrice plus responsable, C’est un acronyme qui signifie:
- Besoin : A quel besoin correspond cet achat ? Est-ce une nécessité ou est-ce plutôt son apparence qui me plaît ?
- Immédiat : En ai-je immédiatement besoin ? Si je reviens plus tard, aurais-je toujours le même besoin ?
- Semblable: N’ai-je pas déjà un article semblable chez moi ?
- Origine : Quelle est l’origine de l’article ? Est-il conçu en accord avec mes valeurs ?
- Utilité : Est-ce un article qui va quotidiennement me servir ?
Robert Luftig rappelle que l’industrie de la consommation rend les consommateurs dépendants d’un système de récompense, influençant le plaisir, qui nous pousse à acheter régulièrement.
Réfléchir à nos dépenses serait un moyen de tendre vers la “sobriété heureuse”. C’est un concept né du philosophe Patrick Viveret, et popularisé par Pierre Rabhi, qui nous incitent à ne pas céder à la surconsommation.
Face aux défis complexes de notre époque, il est crucial de nous recentrer dès à présent sur le bien-être de la société et de tous les êtres et œuvrer pour une plus grande justice sociale.
Chaque choix que nous faisons aujourd’hui résonne dans le temps et l’avenir qui attend les générations suivantes en dépend. Et la plupart du temps, comme l’explique Flore Vasseur, nous devons choisir entre notre confort et notre humanité…
Les Rencontres Altruistes qui auront lieu les 25 et 26 mai prochains seront l’opportunité de réfléchir, partager et s’engager sur diverses thématiques. Vous y retrouverez des séances de méditation, ateliers, cercles de paroles et tables-rondes animés par des intervenants inspirants tels que Matthieu Ricard, Claire Nouvian ou encore Christophe André. Vous pourrez aussi échanger avec les représentants et représentantes d’organisations.
Le programme de ces deux journées passionnantes est créé afin de vous encourager à prendre soin de vous, vous donner les outils pour vous reconnecter au corps et œuvrer à un avenir plus harmonieux, que nous façonnerons ensemble.
Nous sommes peut-être venus dans des navires différents, mais nous maintenant tous dans le même bateau.
Martin Luther King, militant
Retrouvez-nous autour de l’altruisme samedi 25 et dimanche 26 mai 2024
- « Christophe André : « La pleine conscience permet de distinguer l’urgent de l’important« , Juin 2016, Le Monde ;
- « Claire Nouvian : Il faut prendre le pouvoir pour le réinventer« , Février 2019, Reporter
- « Pensée #5 La Bête diabolique est l’égoïsme« , Mai 2020, Matthieu Ricard ;
- « Penser la différence entre plaisir et bonheur par Béatrice Mabilon-Bonfils« , Mai 2021, France Bleu
- « Je me compare aux autres et cela me rend malheureux, pourquoi? », Septembre 2023, Virginie Ferrara ;
- « Banalité du bien« , Christophe André.