Se transformer intérieurement en entraînant l’esprit est la plus passionnante des aventures. Et c’est le véritable sens de la méditation.

Matthieu Ricard, l’Art de la méditation

Les racines de Karuna-Shechen sont très liées à la méditation et à la pleine conscience, que nous continuons à promouvoir comme un outil permettant le bien-être, l’intelligence émotionnelle et le soin de soi et des autres. La pleine conscience est également une ressource pour cultiver le potentiel altruiste, car elle aide à définir de manière juste la position que l’on occupe dans le monde. 

Pourquoi méditer ? 

Selon Laurence Bibas, nous pouvons méditer pour plusieurs raisons : méditer pour s’évader (la rêverie), méditer pour décoller (l’expansion de conscience), méditer sur un sujet (la contemplation), pour réduire le stress (pleine conscience), pour s’éveiller (méditations plus spirituelles). Cependant, L.Bibas rappelle que “fondamentalement toutes ces méditations nous permettent de mieux nous connaître, de dialoguer avec nous-mêmes et de nous éveiller à notre nature profonde.” De la même manière, Patricia Christin explique que la méditation va nous permettre de sortir du mode pilotage automatique, et ainsi de révéler nos schémas de fonctionnement. Avec la pratique, nous pouvons changer la manière de nous relier au monde et à nous-mêmes, et développer plus de ressources intérieures. 

La méditation permet donc de prendre soin de soi, car lorsque nous plaçons notre attention sur les sensations physiques douloureuses, les pensées ou les émotions difficiles, c’est une manière déjà de commencer à en prendre soin. 

La recherche en neurosciences a prouvé les effets bénéfiques de la méditation sur la santé, à long terme comme à court terme. Ainsi, les méditants voient une réduction dans leur stress et anxiété, ainsi qu’une diminution du risque de rechute pour les personnes ayant vécu au moins deux épisodes de dépression grave. A plus long terme, les personnes pratiquant la méditation ont une grande faculté de concentration, une diminution de la tension artérielle chez les hypertendus… 

Mais la méditation permet avant tout de cultiver un état d’esprit plus harmonieux, moins sujet aux tourments émotionnels, et qui permet donc de nourrir les émotions et donc les gestes altruistes

Apprenez-en plus sur les découvertes des neurosciences sur la méditation

La méditation est une pratique qui permet de cultiver et développer certaines qualités humaines fondamentales, de la même façon que d’autres formes d’entraînement nous apprennent à lire, à jouer d’un instrument de musique ou à acquérir toute autre aptitude.

Matthieu Ricard

Il n’y a pas de méthode unique en méditation. Il y a des pratiques adaptées selon les profils et les intentions, et même des pratiques qui ne sont pas recommandées dans certains cas. Les techniques et intentions varient et peuvent être combinées, mais ce qui compte c’est que chaque méditant trouve la ou les techniques qui lui permettent de se lancer et de persévérer, car ce qui est primordial dans la méditation, c’est la régularité. Il s’agit d’un entraînement, comme peut l’être le sport : pour devenir souple, mieux vaut s’étirer un peu régulièrement que de tenter le grand écart dès la première session.

Les idées reçues sur la méditation avec Patricia Christin

Idée reçue #1 : Méditer c’est ne pas avoir de pensées. 
Faux. La méditation est là pour embrasser ce qui se passe dans l’expérience du moment présent, y compris l’agitation, d’une manière non jugeante. 

Idée reçue #2 : La méditation se pratique uniquement sur le coussin. 
Faux. En méditation formelle, ce qui est important c’est d’avoir le dos droit  et le corps aussi détendu que possible . Il est possible aussi de pratiquer sur une chaise, debout, le corps allongé. 

La posture

Les sessions de méditation où l’on s’installe avec l’intention de consacrer un certain temps à la pratique sont de la méditation formelle – par opposition à la méditation informelle, que nous traiterons plus loin dans cet article. 

Pour méditer ainsi, il est important d’adopter une posture qui favorise l’attention : dos droit et muscles le plus détendus possible. Nous pouvons pratiquer sur un coussin, en tailleur ou sur les genoux, sur une chaise, assis avec les pieds au sol, ou encore allongé. 

L’idée est de trouver l’équilibre entre détente et juste tension. Si nous sommes trop tendus, nous risquons d’avoir un esprit distrait, et si nous sommes trop détendus, nous risquons de nous endormir.

La méditation peut se pratiquer seul, ou en groupe, en silence ou avec une voix guidant la pratique. Les méditations guidées sont particulièrement conseillées aux personnes débutant la méditation, mais elles sont une manière de pratiquer qui est très répandue, largement au-delà des novices. Si l’on désire être guidé, il est possible de participer à des cours de méditation, en personne ou en ligne, ou d’écouter des sessions par le biais d’applications telles que Prezens ou sur les plateformes de streaming comme Youtube

Si tu as le temps médite 20 min par jour, si tu n’as pas le temps, médite 40 minutes.

Proverbe Zen

L’objet de concentration

Hormis dans la méditation de présence ouverte, nous nous servons d’un objet d’attention pour focaliser l’attention. Nous dirigeons entièrement notre attention sur cet objet, dans tous ses aspects, pour développer la concentration et l’acuité du sens que l’on utilise (vue, ouïe, goût, etc) . A chaque fois que l’on constatera que l’esprit s’est posé sur autre chose que l’objet, on y revient, et ainsi de suite. Cette “gymnastique” de l’esprit va aider à développer de la souplesse et va muscler notre capacité à nous concentrer.

La respiration

L’objet d’attention le plus utilisé en méditation est la respiration. Le mouvement de va-et-vient de l’air, la sensation fraîche puis tiède sur les narines, la poitrine et l’abdomen qui se soulèvent et s’abaissent… Cet objet de concentration, en plus de posséder plusieurs facettes et de se répercuter dans les sensations corporelles (ce qui le rend plus facile à observer), a l’immense avantage d’être toujours présent avec nous. Quelle que soit la situation, où que nous soyons, nous pouvons nous relier à notre souffle, il est aussi infailliblement présent que notre existence même – et disparaît avec elle. Le souffle ne sera pas le même si nous sommes en colère, dans la joie, paisible, etc. C’est donc également une information précieuse pour notre intelligence émotionnelle.

Les sensations du corps

Un autre objet d’attention qui partage cette caractéristique, de manière plus subtile, est les sensations du corps. Notre corps est continuellement parsemé de sensations : frottement d’un vêtement, démangeaison, chatouillement, douleur, tension, chaleur, froid, contact avec le support ou une autre partie du corps, brise, rayon de soleil… Nous oublions ces sensations lorsque notre esprit est occupé à tout le reste, mais nous pouvons nous reconnecter à notre corps en nous concentrant sur les sensations déjà présentes. La clé dans cette pratique est de suspendre le  jugement.

Il ne s’agit pas d’espérer des sensations agréables, ni d’ignorer ou de chercher à faire disparaître des sensations désagréables. L’idée ici est juste de constater que nous avons de l’avidité envers les sensations agréables et de la répulsion envers les sensations désagréables. L’exercice pourra être alors de s’entraîner à ne pas réagir à ces sensations, à les constater telles quelles, sans rejet ni avidité.

Les techniques méditatives comme le body scan permettent d’observer ses sensations de manière méthodique, d’un bout à l’autre du corps. Constater l’absence de sensation dans une partie du corps est non seulement possible, mais fait aussi partie intégrante de l’exercice : nous pouvons alors observer que nous ne ressentons rien à cet endroit précis à ce moment précis d’une manière non-jugeante.

Nous déployons beaucoup d’efforts pour améliorer les conditions extérieures de notre existence, mais en fin de compte c’est toujours notre esprit qui fait l’expérience du monde et le traduit sous forme de bien-être ou de souffrance. Si nous transformons notre façon de percevoir les choses, nous transformons la qualité de notre vie. Et ce changement résulte d’un entraînement de l’esprit que l’on appelle « méditation ».

Matthieu Ricard

Objet extérieur

Il est possible de méditer en focalisant son attention sur un objet extérieur. Cela peut être par exemple la flamme d’une bougie. Nous contemplons ses couleurs changeantes, la chaleur qu’elle dégage, ses mouvements dansants. Cela peut être également un son, le chant des oiseaux, le bruit des vagues, le bruit des voitures. L’idée reste la même, poser son attention sur ce support, et dès que l’esprit est parti dans la distraction ou la torpeur, le ramener sur le support.

Image mentale

L’objet de concentration peut prendre la forme d’une image mentale, que nous visualisons avec attention – cette image peut être plus ou moins complexe, et a parfois un caractère spirituel. Les bouddhistes tibétains, par exemple, peuvent méditer sur une visualisation de mandala ou de divinité. 

Les mantras

Les mantras sont une autre manière de focaliser l’esprit. Ce peut être une syllabe, un mot ou une phrase, que l’on répète encore et encore au cours de la pratique. Ce mantra peut avoir un aspect spirituel, ou non. L’un des mantras les plus communs est “om”, une syllabe en sanskrit qui se retrouve dans l’hindouisme, le bouddhisme, le jaïnisme, le sikhisme et le brahmanisme. Elle représente le “son originel” et la totalité de ce qui existe (passé, présent, futur). Mais le mantra peut également être laïque, par exemple en répétant une affirmation, telle que “je m’accepte entièrement”. 

La compassion

La méditation peut aussi être un moyen de tendre vers une qualité, un état, un sentiment. La méditation Metta est la plus commune, aussi appelée méditation de l’amour-tendresse, de l’amour bienveillant ou de la compassion. Lors de ces sessions de méditation, le pratiquant se focalise sur la sensation d’amour, de compassion et d’intentions positives, et la dirige vers soi, puis vers les personnes aimées. La compassion est ensuite étendue aux personnes qui posent des problèmes dans sa vie, qui ne sont pas appréciées, et enfin, à l’humanité, au vivant, à l’ensemble de ce qui est

Question

Une question peut être érigée comme sujet de concentration. Cependant, il ne s’agit pas d’y réfléchir par des pensées structurées et méthodiques, mais d’observer les sensations qui sont déclenchées par la confrontation mentale à cette question. 

La raison d’être ultime de la méditation est de se transformer soi-même pour mieux transformer le monde ou de devenir un être humain meilleur pour mieux servir les autres. Elle permet de donner à la vie son sens le plus noble.

Matthieu Ricard

La présence ouverte ou la conscience sans choix 

La présence ouverte se pratique sans objet. Cette technique de méditation laisse l’esprit se reposer : regarder les pensées apparaître et disparaître, sans les juger ni s’y identifier. Nous nous reposons dans l’instant, en étant présent à tout ce qui émerge dans le champ de la conscience moment après moment : une sensation physique, un son, une émotion, des pensées. Nous constatons que celles-ci surgissent puis s’écoulent et que nous pouvons ne pas nous y attarder, ne pas les laisser s’imposer à nous. Il ne s’agit pas de ne penser à rien, cela est impossible, mais plutôt de laisser couler les pensées sans s’y attarder, comme des nuages dans le ciel ou des feuilles emportées par un fleuve. Une possibilité de constater la richesse de notre expérience intérieure alors que nous sommes assis et calme à l’extérieur. Il s’agit de reconnaître ce qui prédomine dans le déploiement de l’expérience directe, d’embrasser tout ce qui apparaît sans s’y attacher et également de permettre et de faire de la place à tout ce qui peut-être difficile (par exemple : tristesse, colère, confusion) . En étant avec, ces expériences désagréables peuvent s’estomper.  

La méditation informelle

Cependant, au fur et à mesure que nous pratiquons, nous comprenons que la méditation repose sur la pleine conscience, l’observation sans jugement de ce qui est, en nous et autour de nous. Un environnement calme, une posture stable et relativement immobile et un moment dédié le favorisent mais cela peut se faire en réalité à tout instant, dans toute situation. Nous pouvons marcher en pleine conscience, observant chaque sensation au fur et à mesure de nos pas, ainsi que les odeurs et sons qui nous parviennent et les pensées qui nous traversent. Nous pouvons observer l’attente et nos sensations lorsque nous faisons la queue dans un magasin, ou que nous sommes dans les transports en commun.

Certaines activités impliquent une forme de méditation en mouvement, comme le yoga, notamment lorsqu’il est lent et centré sur la respiration. Mais chaque instant de la vie est une opportunité pour la pleine conscience. Il s’agit de la méditation informelle

Un exercice connu est celui de boire ou manger en pleine conscience. Plutôt que d’ingurgiter sa boisson tout en faisant autre chose – lecture, conversation, réseaux sociaux, travail – on ne se consacre qu’à la dégustation : odeur, couleur, consistance, chaleur, saveurs. Dès que l’esprit s’évade, nous nous replongeons dans l’expérience immersive qu’est devenue notre dégustation. 

A terme, l’objectif est d’être capable de tout vivre en pleine conscience, d’être constamment en connexion avec son corps, ses sensations, et de vivre dans le moment présent. C’est ce que Eckhart Tolle propose et préconise dans son livre Le pouvoir du moment présent. La méditation informelle se fait en se réjouissant de sentir un rayon de soleil sur son visage, de contempler les bourgeons naissants du printemps, de ressentir la gratitude pour le spectacle que nous offre la nature… 

Il faut apprendre à rester serein au milieu de l’activité et à être vibrant de vie au repos.

Gandhi

Au fur et à mesure que nous pratiquons, nous pouvons donc régulièrement nous rappeler de nous remettre en lien avec le moment présent, par le retour de l’attention auprès du souffle et des sensations corporelles. Certaines pratiques habituellement faites en mode pilote automatique au quotidien peuvent ainsi devenir des moments de pleine conscience, comme le brossage des dents, la marche. Il existe donc une multitude de manières de méditer, et chacun, chacune, peut trouver celle qui lui correspond, à son rythme. 

Le livre l’Art de la Méditation de Matthieu Ricard est un guide très développé pour se mettre à la méditation. 

Les conseils de Patricia Christin pour méditer

Méditer c’est véritablement passer du mode faire au mode être. Il ne s’agit pas d’une tâche en plus à effectuer au cours de sa journée, d’une énième case dans une to-do-list. Il s’agit simplement de s’arrêter, de se poser quelques minutes, et d’être avec son expérience directe : quelles sont les sensations physiques, les émotions, les pensées présentes ? en les observant avec une attitude de curiosité bienveillante. Quand je suis  avec l’expérience du moment présent pendant un moment, je peux constater de quelle manière les sensations évoluent, les émotions me traversent, les pensées apparaissent et disparaissent.  Cette expérience est très importante car elle permet de prendre conscience de l’impermanence. du côté éphémère des phénomènes. Et comme le dit si bien ce proverbe indien : quand ça ne va pas, ça passe, quand ça va, ça passe aussi !