Qui sont les femmes qui nous inspirent ? De celles de notre entourage, aux personnalités publiques, artistes, politiciennes, activistes, jusqu’aux personnages de fiction, nous puisons dans ces modèles des ressources, des idées, un élan qui nous pousse en avant.
S’inspirer des femmes qui nous entourent
Prenons-nous assez le temps de penser à ces femmes, qui créent en nous l’envie de changer ou de continuer nos efforts ? Celles que l’on admire, dans leurs qualités de leader, de bienveillance, d’intelligence, de créativité, ou de conviction ? Elles peuvent provoquer en nous la détermination de changer le monde, comme elles peuvent nous pousser à apprendre à recevoir des compliments, il n’y a pas de petite inspiration, seulement un sentiment qui met en mouvement.
Ces femmes inspirantes sont nombreuses, et pourtant nous n’avons pas accès autant que nous le pourrions à ces sources d’enthousiasme. En effet, les modèles féminins ont tendance, depuis des siècles, à être invisibilisés, qu’il s’agisse du domaine de la culture, des médias ou simplement de la représentation diversifiée de ce que peut être une femme dans la fiction.
Ainsi, une étude du centre Hubertine Auclert (2014) alerte que “sur les 13 192 occurrences de noms de femmes et d’hommes réels recensés dans l’ensemble des manuels [scolaires], il y a 6.1% de femmes contre 93.9% de noms masculins”, que “parmi les textes étudiés en littérature, seuls 5% sont écrits par des auteures”. Les artistes, quand elles sont mentionnées, le sont souvent dans leur qualité d’amantes ou de muses et non par rapport à leur propre œuvre.
Dans les médias, si l’écart se réduit entre les intervenants et les intervenantes (59% et 41%), les femmes continuent d’avoir moins de temps de parole (35%).
Cette inégalité a cours jusque dans la reconnaissance sociale de la grandeur. Ainsi, seulement 12% des rues, espaces verts et équipements de Paris portent des noms de femmes, contre 66% d’hommes, et le Panthéon n’abrite que six femmes, admises tard au sein de ses 80 hôtes.
L’initiative du matrimoine et les Journées qui l’accompagnent chaque année depuis 2015 se proposent de remettre en lumière les femmes dont nous nous sommes privés jusqu’alors, et qui peuvent insuffler en nous une étincelle créatrice.
Nous ne pouvons que remercier ces historiennes qui, par leurs recherches et travaux permettent aux femmes et aux hommes d’aujourd’hui de se réapproprier une histoire commune, de découvrir des personnages historiques nouveaux et et de plonger dans des oeuvres qui ont été jusqu’alors invisibilisées.
Donne moi des Elles, Caroline Lesire & Alexandra Ughetto
Car l’inspiration est un phénomène de création. Nous nous approprions un choix, un geste, une parole, qui nous touche pour en faire quelque chose de nouveau, construire une voie qui nous est propre. C’est une manière de trouver un élan positif, qui donne à nos habitudes une sensation de fraîcheur nouvelle. En effet, si nous répondons naturellement à l’indignation, décidant de protester car nous ressentons dans notre cœur la colère portée par celle ou celui dénonçant une injustice, il nous demande plus d’effort d’agir en faveur de quelque chose. D’être émerveillé par quelqu’un et décider de contribuer à l’effort de construction.
S’entraîner à nourrir l’espoir
A nouveau, il ne s’agit pas (forcément) de décider de construire un immense projet, mais de réapprendre à s’émerveiller de la bonté, de l’humilité et de la créativité des personnes qui nous entourent, pour nous rappeler de la banalité du bien. Nous sommes tant informés des événements tragiques qui se déroulent dans le monde entier, que nous oublions que les humains se comportent décemment voire honorablement la plupart du temps. Regardons autour de nous, et enchantons-nous des gentillesses du quotidien.
Ce changement de paradigme – construire pour plutôt que contre – est en réalité une ressource de plus. Nous pouvons nous indigner face à certains enjeux, tout en nous émerveillant des grands et petits gestes altruistes.
Je pense que ce que nous nous devons, c’est de célébrer la vie et de remplacer la peur et le désespoir par l’intrépidité et la joie.
Vandana Shiva
Choisir de se mobiliser par l’inspiration des gestes d’autrui, c’est décider de nourrir l’espoir. Cela est bénéfique à la cause pour laquelle nous nous engageons. Ainsi, la volonté de construire un idéal permet un objectif plus clair et tangible que l’opposition à une réalité actuelle. Il est plus facile de concevoir ce que l’on veut – et donc de réaliser les changements nécessaires pour l’atteindre – que d’imaginer négativement : “nous ne voulons pas cela”. Mais encore ?
L’engagement pour permet également d’aller plus loin : en effet, on ne s’arrête pas avant d’avoir atteint ce que l’on espérait, alors que lorsque l’on s’engage contre, une amélioration peut déjà être considérée comme une raison de cesser la protestation.
Face au manque de représentation des femmes, par exemple, il ne suffit plus de dénoncer les contenus qui les dépeignent insuffisamment. Il faut créer et promouvoir ceux qui le font, participer au monde que l’on souhaite voir naître. Nous avons besoin de perspectives imaginables et gaies. S’engager pour requiert aussi d’apprendre à applaudir le positif, et à s’en réjouir. Consacrer de l’énergie à la reconnaissance du progrès, de soi, des autres, du projet que l’on porte – aussi modestement personnel soit-il – ou de la cause que l’on défend est une manière de façonner sa perception du monde et son envie de s’engager.
L’espoir est souvent mal compris. Les gens ont tendance à penser qu’il s’agit simplement d’un vœu pieux passif : J’espère que quelque chose va se produire, mais je ne vais rien faire pour cela. C’est en effet le contraire du véritable espoir, qui nécessite une action et un engagement.
Jane Goodall
S’engager pour faire rayonner la lumière des autres
Il existe déjà de nombreuses initiatives, collectives ou personnelles, qui se fondent sur le mouvement en avant. Qu’il s’agisse de projets pour la reconstruction du lien social, pour l’allègement des souffrances, de l’isolement, de techniques d’agriculture, de nouveaux modes de vivre-ensemble, d’alternatives de consommation, de partage, de manières d’être, de parcours de vie, les porteurs et porteuses de projets font vivre l’espoir. Il ne reste qu’à nous en inspirer, pour, à notre échelle, créer du changement dans nos vies.
Nous pouvons nous inspirer de ces propositions, qu’elles modifient la manière dont nous vivons, radicalement, ou juste un aspect de notre réflexion, de notre consommation, de notre manière de nous relier aux autres. Il s’agit simplement de permettre à l’enthousiasme des uns d’alimenter l’espoir des autres.
Ce qui nous inspire, surtout, c’est d’entrer en empathie avec une personne, de créer une connexion d’un cœur à l’autre. Malgré des vécus parfois très différents, nous avons une capacité à être touchés par les émotions ressenties par autrui. Nous nous mettons à leur place, dans la souffrance ou dans la joie. Cette identification est ce qui permet l’inspiration, la perception de personnes différentes de nous comme un modèle de ce que à quoi nous aspirons.
Ainsi, dans Donne moi des Elles, Mai Hua, artiste et documentariste française d’origine vietnamienne et réalisatrice du film les Rivières, parle de la manière donc elle est inspirée par des personnes aux vécus très différents du sien, comme Maya Angelou, une poétesse, autrice, mémorialiste et militante des droits civiques américaine née dans les années 1930. Leurs vies, et leurs mondes sont différents mais une émotion, une parole créent un lien entre ces deux femmes, et Mai Hua s’en inspire pour s’élever.
Mettons en avant le positif. Nous pouvons profiter de la prise de conscience que l’on peut agir pour et pas uniquement contre pour partager nos sources d’inspiration, publiques ou personnelles. Ainsi, nous pouvons offrir un livre qui nous a touchés, ou transmettre des idées qui nous ont nourries. Nous pouvons nous rappeler de faire briller la lumière des femmes inspirantes qui nous entourent, en valorisant leurs qualités, actes et paroles, ou en décidant consciemment de créer de l’espace pour qu’elles rayonnent, qu’il s’agisse de contexte formel (le choix des invités d’une conférence) ou informel (une conversation). Choisissons de mettre en valeur les personnes qui nous entourent pour nous élever ensemble.