L’altruisme se définit comme le souci désintéressé du bien d’autrui. Cette notion unit et inspire, depuis maintenant plus de vingt ans, les bienfaiteurs, les bénéficiaires, les bénévoles, et les équipes de Karuna-Shechen. C’est aussi avec cette notion en tête que nos programmes éducatifs dispensent, en Inde et au Népal, une éducation positive. Alors que les écoles y sont encore fermées à cause de la crise de la Covid, nos équipes sur place, en collaboration avec des enseignants locaux, s’adaptent aux conditions sanitaires afin d’apporter tout leur soutien aux enfants privés d’école. 

L’altruisme naturel chez l’enfant

La question de l’apparition et du développement du comportement altruiste a longtemps suscité des questions. Est-ce que l’on naît altruiste, ou est-ce qu’on le devient ? De récentes recherches, comme évoqué par Matthieu Ricard dans un de ses articles, ont permis d’amener des éléments de réponse. 

L’altruisme apparaîtrait chez les enfants dès le plus jeune âge. Ils commencent en effet à manifester des comportements d’aide désintéressée entre 14 et 16 mois, et possèdent à 18 mois le même temps de réaction moyen qu’un adulte pour venir spontanément en aide à quelqu’un. Ils sont capables d’apporter des aides dites “instrumentales” et “empathiques”, c’est-à-dire qu’ils peuvent à la fois ressentir et comprendre les désirs et les émotions des autres personnes. Cela est possible grâce à l’apparition, quasi immédiatement après la naissance, d’empathie.

Les enfants sont en effet pourvus de cette capacité à ressentir les émotions d’autrui dès leurs premières semaines de vie. Cette aptitude, nécessaire au comportement altruiste, va se développer continuellement de la naissance jusqu’à six ans, âge auquel l’enfant accède au concept général d’empathie.

Cette manifestation précoce de comportements prosociaux, avant que les parents n’aient commencé à inculquer des règles de sociabilité, a été observée partout dans le monde. Il s’agit donc d’attitudes qui surviennent sans qu’il n’y ait eu d’apprentissage ou de transmission culturelle. Tous les enfants possèdent ces qualités de manière innée. Il a même été observé des comportements similaires chez les singes : l’altruisme serait alors naturellement apparu chez nos ancêtres communs, il y a de cela plusieurs millions d’années.

Altruisme et éducation : de l’innée à l’acquis

Si les enfants possèdent donc des qualités altruistes de manière innée, l’environnement dans lequel ils vont grandir et les stimulations qu’ils vont recevoir vont être déterminants pour qu’ils puissent continuer à développer ces qualités. Les parents et l’école vont alors jouer un rôle essentiel.

Les comportements et pratiques éducatives des parents sont effectivement primordiaux dans le développement de l’enfant. La manière dont les parents agissent, entre eux, avec les autres et bien sûr avec leurs enfants va grandement influencer ces derniers. Être témoin de comportements prosociaux de la part des adultes peut en effet mener les enfants à l’altruisme. Des expériences ont également mis en valeur une corrélation positive entre le niveau d’empathie des parents et celui de leurs enfants. Ensuite, d’un point de vue purement éducatif, une interaction parents-enfants bienveillante avec une éducation possédant des limites claires, stables, justifiées et compréhensibles par l’enfant contribue au développement de l’empathie de ce dernier.  

En dehors du cadre familial, l’école possède une grande responsabilité dans le renforcement des comportements prosociaux. Intégrer l’enfant dans une dynamique de groupe et lui permettre de créer des liens sociaux va l’amener à augmenter son empathie. Ensuite, les stimulations mises en place par les enseignants permettent un meilleur développement de ces comportements. À long terme, cela amène des bénéfices dans l’évolution des fonctions cognitives, soit les capacités d’une personne à recevoir, traiter et se servir des informations concernant son environnement.

L’école est un lieu privilégié qui permet de cultiver l’altruisme sans nécessairement dispenser d’enseignements à ce sujet.

Karuna s’adapte à la situation sanitaire

Karuna met en place des programmes éducatifs en Inde et au Népal depuis de nombreuses années. Conscientes de l’importance de l’éducation pendant toutes les phases de développement de l’enfant, nos équipes soutiennent des élèves de la maternelle au lycée. 

Depuis l’été 2020, ces programmes ont dû être adaptés au contexte sanitaire engendré par la Covid-19. Les écoles étant fermées, un système d’école à la maison a alors vu le jour. 

En Inde, nos représentants locaux se déplacent quotidiennement dans nos villages d’intervention. En plus de distribuer aux enfants de quoi lire, écrire et dessiner, ils organisent des activités ludiques avec des groupes de 4 ou 5 élèves. Cela permet aux enfants d’apprendre, de s’amuser et de faire de l’exercice tout en respectant les mesures sanitaires. 2760 enfants dans 92 villages de l’État du Jharkhand  ont ainsi pu continuer à être stimulés régulièrement. 

Bina Devi, la mère d’un des enfants bénéficiant du programme, témoigne :

« Les enfants s’ennuyaient car tous les centres éducatifs sont fermés. Les parents doivent aller travailler et sont donc obligés de les laisser seuls toute la journée à la maison. Ils se sentaient donc très seuls. Mais, à partir du moment où vos représentants locaux ont commencé à leur rendre visite et à faire différentes activités avec eux, ils ont arrêté de s’ennuyer. Parfois, les enfants demandent même à votre personnel de rester un peu plus longtemps car ils veulent jouer davantage avec eux. Cela les rend heureux, et nous avec !« 

Dans l’État du Bihar, notre seconde zone d’intervention en Inde, des distributions de matériel éducatif avaient également été organisées à la suite de la première vague de la pandémie. Lorsque la situation s’était améliorée, nos équipes avaient pu rouvrir des écoles avec l’autorisation du gouvernement. Grâce à cela, des enfants, en petits groupes, ont pu revenir en classe. Malheureusement, la deuxième vague qui a ravagé le pays a contraint notre personnel sur place à refermer les établissements scolaires en avril. Ils sont depuis lors fermés. La situation sanitaire semblant se stabiliser, nos équipes mettent tout en place pour permettre aux enfants de retourner dans les écoles.

Au Népal, le programme consiste à envoyer les enseignants de maison en maison une fois par semaine afin de passer du temps avec les élèves, de leur donner des devoirs et du matériel scolaire. Karuna accompagne les professeurs tout au long de cette démarche grâce à des formations et la fourniture d’outils pédagogiques. Ce programme a permis à de nombreux enfants au niveau primaire de continuer à bénéficier d’une éducation. La situation sanitaire reste malheureusement toujours préoccupante dans le pays et aucune date de réouverture des écoles n’est connue.

C’est en réponse à cela que nous venons de lancer un projet pilote, toujours au Népal, d’école à la maison pour les enfants de maternelle. Ce projet a démarré en juin et durera entre 3 et 5 mois en fonction des conditions météorologiques.

L’idée de ce nouveau programme est d’impliquer au maximum les parents dans l’éducation de leurs enfants. Pour cela, les 12 enseignants participant au programme ont distribué et expliqué le fonctionnement du Livre d’activités illustré sur l’apprentissage à domicile. Grâce à cet ouvrage, publié par le ministère de l’éducation népalais, les parents peuvent aider leurs enfants à recevoir une éducation amusante et créative, si importante à cet âge.

Ranjana Lama facilite les projets d’éducation dans 2 écoles publiques du district de Kavre, au Népal. Depuis la fermeture des écoles, elle se déplace de maison en maison pour faire du soutien scolaire pour les plus jeunes. A cette occasion, elle propose également des clés aux parents pour créer un environnement propice à l’apprentissage à la maison. Une vraie interaction enseignants – parents – enfants se met alors en place et bénéficie aux 225 élèves qui participent à ce projet pilote ! 

Cette crise a fait émerger beaucoup d’entraide et de solidarité. Grâce à une convergence des efforts des parents, des écoles et d’associations comme Karuna, les élèves peuvent apprendre depuis la maison. Je vois mes élèves grandir et apprendre de mieux en mieux chaque jour !


À la fois innée et acquis, l’altruisme est une qualité profondément ancrée dans la nature humaine. Mettre en place des programmes éducatifs permettant aux enfants d’exprimer leur plein potentiel fait partie des missions de Karuna. La crise que traverse actuellement le monde n’épargne pas nos zones d’intervention, et, en adaptant les projets de l’association, nos équipes sur le terrain continuent de faire bénéficier un maximum d’enfants d’une éducation bienveillante