Sommes-nous en mesure d’agir contre le vieillissement de notre cerveau, et ainsi de lutter contre le déclin cognitif, de la même manière que nous pouvons agir contre le vieillissement du reste de notre corps ? Au cours des dernières décennies, des études scientifiques se sont intéressées aux conséquences de la pratique de l’entraînement de l’esprit – la méditation – sur le corps et l’esprit.

En partenariat avec la Fondation Recherche Alzheimer, Matthieu Ricard, Ilios Kotsou et le Dr Olivier De Ladoucette, se sont retrouvés le 21 septembre à l’occasion de la journée mondiale de la lutte contre la maladie d’Alzheimer, pour une table ronde sur le thème « Vieillissement du Cerveau et Méditation ».

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La faculté de laisser « les pensées s’élever et se dissiper dès qu’elles apparaissent, au lieu de les laisser envahir notre esprit » s’acquiert, comme toutes compétences et connaissances, avec de l’entraînement. Il est donc possible de s’émanciper de certaines des chaînes du vieillissement cognitif et ainsi de contribuer à prévenir ou ralentir les maladies dégénératives dues à l’âge grâce à la pratique de la pleine conscience.

Matthieu Ricard

Ilios Kotsou est docteur en psychologie et chercheur en Mindfulness. “La pratique de la méditation a un effet important sur la tendance à éviter les informations négatives. Elle nous rend plus connectés et plus lucides sur la réalité de ce qui nous entoure.”

Olivier De Ladoucette est président-fondateur de la Fondation Recherche Alzheimer. Il enseigne également la psychologie du vieillissement. “Contrairement aux idées reçues, la personnalité change assez peu avec l’âge. Si on devient casse pieds en vieillissant, ou bien on l’était déjà, ou bien on a eu du mal à s’adapter aux deuils de l’avancement dans l’âge.”

S’ouvrir au monde grâce à la méditation

Bien loin des idées reçues, la méditation est une pratique active et consciente. C’est au fur et à mesure du temps, à force d’exercices et de persévérance, que la méditation façonne notre esprit et développe notre capacité de contrôle, de discernement et de lucidité. Nous passons beaucoup de temps à améliorer les conditions extérieures de notre vie, mais en fin de compte, c’est toujours l’esprit qui crée notre expérience au monde et la traduit en bien-être ou en souffrance. Être en capacité d’agir en conscience sur notre mode de perception, c’est pouvoir transformer la qualité de notre vie.

C’est ce type de transformation qu’apporte l’entraînement de l’esprit, que l’on appelle « méditation, » un exercice qui est loin d’être limité à l’attention et à ce que l’on appelle aujourd’hui la “pleine conscience”. La méditation de pleine conscience entraîne l’esprit à une sorte de lucidité qui va déconstruire les croyances qu’on avait auparavant. Cet entraînement de l’esprit n’implique pas une croyance culturelle ou religieuse. Il existe donc une forme épurée de la pratique de la pleine conscience, se détachant des formes plus religieuses de la méditation. Les exercices de pleine conscience ont donc un rôle dans le phénomène de neuroplasticité, comme l’ont démontré des études scientifiques.

Les effets d’une pratique régulière

De récentes études scientifiques menées par la Dr Gaëlle Chételat, chercheuse à l’Inserm (Institut national de la santé et de la recherche médicale), ont démontré que la pratique régulière de la méditation influence la stabilité émotionnelle, et a également un impact notable sur le vieillissement. Méditer conduit en effet à établir une plus grande distance par rapport aux pensées, rétablissant ainsi le lien entre le corps, l’esprit, le cœur et les émotions. La pratique de la méditation rend plus présent, et mène le pratiquant vers un ancrage plus intense dans la vie. Cette connexion à l’instant présent renforce la capacité de discernement au quotidien, grâce à une attention plus grande aux comportements et besoins d’autrui, tout comme aux siens. Finalement, la méditation guide les pratiquant vers la prise de conscience de l’impermanence de la vie.

Selon Ilios Kotsou, la pleine conscience influence également les comportements sociaux : l’alignement entre le corps et l’esprit mène vers un sentiment d’épanouissement, créant les conditions propices aux relations sociales. Cette tendance sociale s’avère avoir un impact direct sur la santé, étant donné que la solitude a des effets délétères, en particulier sur la durée de vie. L’approche que chacun de nous a de la vie a donc une influence directe sur notre santé, la sérénité et l’émerveillement étant les sources d’une vie sociale riche et épanouissante. La construction de ce lien avec l’autre passe enfin par la pratique de l’altruisme, contribuant à sublimer nos relations sociales.

Méditation et vieillissement

On constate des conséquences physiques mais aussi psychologiques du vieillissement : ce n’est pas seulement un phénomène biologique, mais aussi social et psychologique. La dégénérescence cognitive en fin de vie est fréquente : elle est naturelle tout d’abord. Dès l’âge de 40 ans, notre cerveau commence lentement à perdre certaines de ses capacités et à vieillir structurellement. Ces changements peuvent être accélérés par nos conditions de vie, liées notamment au regard des autres, à l’image de soi mais aussi au fait que l’on soit davantage confronté aux décès de proches et à la solitude. Par la suite, les troubles du sommeil augmentent de façon exponentielle, atteignant 50 % des plus de 65 ans. De même pour les maladies neuro-dégénératives telles que la maladie d’Alzheimer (extrait du blog de Matthieu Ricard).

Olivier De Ladoucette explique qu’un individu vivant dans une société jeuniste vivra moins bien sa vieillesse qu’une société qui accepte son âge. Aujourd’hui, l’augmentation de l’espérance de vie témoigne d’un meilleur alignement entre la santé mentale et physique. La personnalité change assez peu avec l’âge, elle dépend largement de l’acceptation du vieillissement. Bien vieillir c’est s’adapter jour après jour, anticiper et comprendre les changements pour mettre en place les processus adaptatifs.


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