Il suffit de prendre conscience de la vérité pour que l’erreur, aussi profonde soit-elle, disparaisse, tout comme il suffit d’allumer une lampe pour dissiper les ténèbres d’une grotte, même si elle est plongée dans l’obscurité depuis des millions d’années.
Matthieu Ricard, fondateur de Karuna Shechen
L’électricité n’est pas nécessaire pour vivre, mais elle participe au progrès technologique et au confort des individus partout dans le monde. Aujourd’hui, 86% de l’énergie consommée dans les zones rurales au Népal est produite par ses habitants. Bien que le pays ait une grande capacité de production d’énergie grâce à l’hydroélectricité, seuls 65% des habitants sont raccordés au réseau national d’électricité. Le relief accidenté et les conditions météorologiques du Népal, situé au cœur de l’Himalaya, rendent difficile l’accès à l’énergie dans les zones rurales où vit la majorité de la population. Le gouvernement népalais a lancé un programme d’électrification des régions reculées pour résoudre cette déficience mais le contexte politico-économique instable freine l’avancée du projet.
L’électricité : quelles conséquences sur les conditions de vie des villageois ?
La production artisanale d’énergie a des conséquences négatives sur la santé et l’éducation de la population rurale, notamment celle des femmes et des enfants, qui y sont les plus exposés.Depuis 2015, Karuna-Shechen aide ces populations en leur apportant de l’électricité verte. Nos programmes d’Électrification solaire des villages ruraux et d’Autonomisation des femmes visent à mettre en place un système de production d’énergie renouvelable et promeuvent l’autonomisation des femmes. Des panneaux solaires ont été distribués à 600 foyers dans les régions de Sindhuli et du Solukhumbu, et 12 femmes ont reçu une formation dans les locaux de l’association à Kathmandou. Les villageoises installent ces systèmes d’éclairage solaires dans les maisons et s’occupent également de la maintenance des panneaux.
L’accès à l’électricité solaire transforme radicalement les conditions de vie dans les villages. Dans les zones rurales, les personnes sont très dépendantes des conditions météorologiques et des saisons : les Népalais dînent aux alentours de 18h et se couchent à la nuit tombée, vers 20h, faute de lumière pour s’éclairer. Avoir l’électricité ne permet pas seulement d’apporter du confort aux familles ; cela participe aussi d’une unité au sein du village. Les enfants peuvent faire leurs devoirs le soir, les tâches quotidiennes (cuisine, vaisselle etc.) sont facilitées et une vie sociale est enfin possible en soirée. Chacun peut profiter d’un nouveau rythme de vie, plus souple et moins contraignant, et d’un environnement plus sûr.
Œuvrer pour un monde plus respectueux de l’environnement et des femmes
Le projet d’électrification en zone rurale à deux objectifs : agir pour l’environnement en créant de l’énergie renouvelable et participer à l’autonomisation des femmes.
Traditionnellement, les Népalais utilisent des « tuki lights », lampes à kérosène, et des feux de bois pour éclairer leurs foyers. Ces systèmes d’éclairage produisent peu de lumière, émettent des gaz toxiques et présentent des dangers pour les villageois. Ils peuvent notamment provoquer des maladies respiratoires et les incendies sont fréquents. Les panneaux solaires représentent une alternative qui d’une part, est respectueuse de l’environnement, et qui d’autres parts approvisionne les foyers en énergie saine.
Pour les femmes, acquérir des compétences en électricité est synonyme de meilleure intégration dans la société. Grâce à leur formation, elles deviennent entrepreneuses, gagnent un salaire et sont actrices du changement dans une société patriarcale. Traditionnellement cantonnées au rôle d’épouse ou de mère, elles deviennent des exemples à suivre pour les autres femmes. Peu habitués, les hommes restent réticents devant le statut de technicienne solaire et se moquent parfois de la façon dont elles montent à l’échelle ou utilisent le matériel électrique. Cependant, la société népalaise évolue sur la question du genre et octroie une place grandissante aux femmes, qui s’avancent sur des secteurs auparavant réservés aux hommes. Un choix qui s’impose, lorsque les femmes remplacent quotidiennement leurs époux partis en ville ou à l’étranger pour le travail.
Cette évolution des moeurs est favorisée par une meilleure sécurité, directement liée à l’éclairage dans les villages. Les violences physiques et sexuelles commises envers les femmes sont assez alarmantes : d’après un rapport de l’OFPRA (Office français de protection des réfugiés et apatrides) publié en mars 2019, 51,9% des femmes népalaises mariées âgées de 15 à 24 ans ont déclaré avoir subi une forme ou une autre de violence au cours de leur vie. Éclairer les villages de nuit permet de réduire les agressions et la peur des femmes à se déplacer dans l’espace public.
Le projet d’électrification solaire dans les zones rurales est un projet à long terme. À travers la mise en place d’une énergie renouvelable et respectueuse de l’environnement, Karuna-Shechen œuvre pour favoriser l’autonomie et l’indépendance des communautés. Par ailleurs, ayant reçu une formation de techniciennes, les femmes peuvent à leur tour transmettre leurs savoirs aux générations futures et ainsi maintenir une autonomie d’énergie au fil du temps.