C’est dans le calme d’une forêt de la campagne anglaise, au milieu de cette nature qu’elle a passé toute sa vie à préserver, que repose Alison Whybrow. Philanthrope, militante pour la justice climatique et sociale, psychologue, autrice, coach, femme, mère et amie, Alison a été emportée par un cancer le 27 février 2022, à l’âge de 53 ans. Elle continue de faire partie des soutiens fidèles de Karuna-Shechen, tout comme son mari et leurs deux filles de 18 ans, à travers le versement de ses droits d’autrice.
Alison Whybrow était une de ces personnes dont la rencontre change une vie. Alors, à nous qui n’avons pas eu la chance de faire sa connaissance, Gordon, Millie et Georgie ont accepté de parler de leur épouse et mère, de ses convictions et des leçons de vie qu’elle leur a transmises.
Leçon de vie n°1 : Selon elle, on reçoit l’amour que l’on donne aux autres
Alors qu’elle écrit son premier livre, The 31 Practices, Alison et son co-auteur, Alan Williams, découvrent les photographies de Matthieu Ricard. Ils les utilisent pour illustrer leur travail en échange d’un don, qu’ils décident de pérpétuer régulièrement. Un an après la parution du livre, un séisme touche le Népal et les deux co-auteurs décident de soutenir encore davantage Karuna : Alison décide de reverser l’intégralité de ses droits d’autrice perçus sur cet ouvrage à Karuna-Shechen. Depuis, toutes ses redevances sont au bénéfice de l’association. Son dernier ouvrage, Ecological and Climate-conscious coaching, est paru en novembre 2022 à titre posthume.
Selon Georgie, sa mère incarnait l’idée que « l’on reçoit l’amour que l’on donne ». L’élan de générosité et les vagues de soutien qui ont suivi le décès d’Alison en témoignent. Millie a trouvé beaucoup de réconfort auprès de la communauté de yoga dont elle fait partie. Cette dernière, qui organise des levées de fonds chaque mois en faveur de différentes associations, a collecté près de 2 500 dollars que Millie a versé à Karuna.
Même dans cette période difficile, Gordon et ses filles ont pensé aux autres, en organisant une collecte de fonds au profit de divers organismes comme the Soil Association, Gingerbread et Karuna-Shechen, lors de l’enterrement d’Alison.
Donner à Karuna est une manière de garder en vie son esprit, ses valeurs et son amour.
Gordon Barker
Leçon de vie n°2 : Soyez bienveillants avec vous-mêmes, avec les autres et avec la planète
Depuis l’enfance, à chaque anniversaire et fête de Noël, les jumelles reçoivent en cadeau une somme d’argent à reverser à des associations caritatives. L’idée vient de Gordon, inspiré par ses grands-parents, qui avaient peu de moyens mais donnaient beaucoup. « Nous avons conscience de nos privilèges. En réalité, nous utilisons plus que nous ne redonnons, ajoute-t-il. Donner vaut plus que recevoir. C’est une manière pour nous de contribuer à rendre le monde plus juste. Alison dirait qu’on est à l’image de ce dans quoi l’on investit », sourit Gordon.
Cette tradition a non seulement renforcé ma gratitude pour tout ce que la vie m’offre mais a également changé ma façon de voir les choses et de réagir. Je ressens une joie sincère en donnant et en partageant l’amour avec les autres.
Millie
Millie et Georgie choisissent donc les associations qu’elles veulent soutenir : préservation de l’environnement, lutte contre les inégalités sociales, cause des femmes et petits mouvements ayant besoin de soutien. Ces choix reflètent les luttes de leur mère mais aussi celles qui leur tiennent à cœur. « C’est une manière d’utiliser ses privilèges pour soutenir les autres et leur permettre d’avoir les mêmes opportunités que nous, explique Millie. C’est aussi un peu égoïste en ce qui concerne l’écologie parce que j’aimeraisêtre encore capable de m’émerveiller devant la beauté de la nature et ne pas souffrir lorsque je vois un arbre être abattu, les espèces s’éteindre ou notre maison être détruite ». Elle partage également cette sensibilité pour la nature avec sa maman avec qui elle continuait de lire leur livre préféré, Tresser les herbes sacrées, sur son lit d’hôpital. En voici un extrait :
« Le pacte moral de réciprocité nous appelle à honorer nos responsabilités pour tout ce qui nous a été donné, pour tout ce que l’on a pris. C’est notre tour maintenant, il est grand temps. Organisons une collecte pour Mère Nature, étalons des couvertures et empilons-les avec des cadeaux de notre propre fabrication. Imaginons les livres, les peintures, les poèmes, les machines intelligentes, les actes de compassion, les idées transcendantes, les outils parfaits. La défense acharnée de tout ce qui a été donné, dons de l’esprit, des mains, du cœur, de la voix et des yeux, tous offerts au nom de la planète Terre. Quel que soit notre don, nous sommes tous appelés à l’offrir et à danser pour le renouveau du monde. En échange pour le privilège de l’existence. » Tresser les herbes sacrées : sagesse ancestrale, science et enseignements des plantes, « Épilogue », Robin Wall Kimmerer (traduction non-officielle)
Leçon de vie n°3 : Notre voix est l’outil le plus puissant dont nous disposions
L’engagement peut prendre différentes formes : soutenir financièrement, donner de son temps ou refuser de se taire. Alison a fait en sorte que ses enfants ne l’oublient jamais, qu’elle n’aient pas peur de se battre pour ce qui leur paraît juste ni de faire entendre leur voix. Georgie a accepté de nous partager le discours qu’elle a tenu lors des obsèques. Nous en transcrivons ici une partie :
« Je n’oublierai jamais la leçon la plus précieuse que tu m’as apprise. J’aimerais la partager avec tout le monde : ta voix est l’arme la plus puissante que tu possèdes. Elle n’est peut-être pas la plus audible et tes paroles ne sont peut-être pas les mieux formulées mais cela ne signifie pas qu’elle n’est pas puissante. C’est la seule chose que tu as, alors ne la laisses pas être réduite au silence, pas un seul instant. Bats-toi pour toi-même, pour les autres, avec les autres. Ma mère en était le parfait exemple, et incarnait toujours ses propres leçons. Elle a lutté pour l’environnement afin que ma sœur et moi puissions vivre dans une planète en meilleure santé. Elle s’est battue pour les animaux, pour les arbres, pour l’eau et pour les personnes moins privilégiées que nous. Malgré les risques d’être arrêtée, de perdre sa liberté, ses clients ou son travail, elle a persévéré. Parce que nos voix sont ce qu’il y a de plus puissant et que l’on ne doit sous aucun prétexte les laisser être réduites au silence. » Extrait du discours écrit et prononcé par Georgie lors des funérailles de sa mère, Alison.
Leçon de vie n°4 : L’amour dépasse les frontières du vivant
Cette dernière leçon a été apprise dans la douleur et la tristesse du départ d’Alison, mais c’est celle qui transparaît le plus, à chaque parole de son mari et de ses filles. Et si la mort n’arrête pas l’amour, il semblerait qu’elle n’arrête pas tout à fait la vie non plus. Comme l’ont répété plusieurs fois Gordon, Millie et Georgie, Alison continue de vivre dans leurs mémoires, leurs paroles, leurs cœurs, leurs engagements et dans chaque personne qui a croisé sa route.
« Alison se considérait comme bouddhiste, nous confie Gordon. Cela l’a aidée les derniers jours : elle était à la fois calme et forte. J’aime dire qu’elle était à la fois bouddhiste, taoïste et stoïcienne. Elle nous a transmis sa sérénité et sa force. Nous sommes ravis que Karuna ait pu organiser une si belle cérémonie (puja) au Népal. Même si c’est dur de ne plus l’avoir physiquement à nos côtés, notre lien va bien au-delà. Nous sommes toujours connectés, elle continue de vivre auprès de nous de différentes manières. »
Nous avons juste à être un peu plus gentils, avoir un peu plus de compassion et faire preuve d’un peu plus d’empathie chaque jour et elle continuera à vivre à travers nos actions.
Georgie
Il est certain que cet article ne parviendra pas à faire justice à l’humilité, la force de cœur et l’amour qui unissent et qui émanent de Gordon, Millie, Georgie et Alison. Nous espérons tout de même qu’il retranscrira l’admiration et la gratitude de Karuna-Shechen pour leur soutien et le temps qu’ils nous ont accordé.
