Regarder autour de soi et voir d’autres personnes, différentes, avec leur sensibilité et histoires respectives, mais avec lesquelles nous partageons pourtant une vision, et un mode d’action. Ressentir un pétillement intérieur : le sentiment de contribuer à une cause qui nous dépasse, d’appartenir à un mouvement positif, d’être en cohérence avec soi-même.
Quelle que soit la cause, ou la manière de nous engager, nous pouvons nous émerveiller de cette joie que la mise en action juste procure.
L’engagement n’est pas toujours facile et il a toujours un coût : il prend de notre temps, de notre énergie, de notre capacité émotionnelle, de notre argent. Mais il nous nourrit en cohérence, résonance, et partage.
Le Bon Combat est celui engagé parce que notre coeur le demande.
Paulo Coelho
Créer du lien
Nous engager permet de tisser des liens : nous ne nous engageons pas seuls. Nous nous engageons aux côtés d’autres personnes, et au service d’autres. C’est le fondement même de l’engagement : non pas poursuivre des intérêts personnels, mais agir pour le bien d’autrui, qu’il s’agisse d’accompagner des personnes en difficulté, de sensibiliser à une cause, de protester contre une injustice, soulager une souffrance, une tension…
Notre existence, et même notre survie, dépend étroitement de notre capacité à construire des relations mutuellement bénéfiques avec les autres. Les êtres humains ont un profond besoin de se sentir reliés, de faire confiance et de jouir de la confiance d’autrui, d’aimer et d’être aimés en retour.
Matthieu Ricard, billet de blog Aider les aidants
A quoi bon s’indigner chez soi des injustices ? Nous risquons de nous sentir impuissants, seuls, démoralisés. La proposition pourrait être de nous mettre en mouvement et de rejoindre un modèle d’action qui nous semble juste. Défendre une cause qui nous fait vibrer. Pour éviter l’épuisement, à nous de choisir la ou les causes qui nous tiennent le plus à cœur. En agissant, nous sentirons la joie nous envahir, l’émulation, le partage, la motivation, et le sentiment que oui, nous pouvons prendre part à des causes qui sont plus vastes que nous.
Pour Daniel Batson, le fait d’éprouver du bonheur à faire le bien ne rend pas un acte égoïste si notre motivation première est altruiste. Matthieu Ricard le soutient également : “l’altruisme authentique n’exige pas que vous souffriez d’aider les autres et ne perd pas son authenticité s’il est accompagné d’un sentiment de profonde satisfaction”. Culpabiliser de ressentir du bien-être lorsque l’on s’engage et se met au service d’autrui n’a plus lieu d’être : aidons-nous les uns les autres, et dans la satisfaction de faire ce qui nous semble juste !
En ce moment, engagez-vous en faveur de la sécurité alimentaire en Inde et au Népal
avec Action For Karuna
De la nécessité de la gaieté
La joie fait partie des valeurs de travail de Karuna-Shechen, au côté de sept autres : incarner l’équipe, écouter avec attention, être bienveillant, rester efficace, accueillir l’inconnu, exprimer sa gratitude, partager avec une parole juste. En effet, servir les autres avec enthousiasme augmente la résilience et la durabilité de l’engagement. Il serait difficile de proposer un travail de qualité et sur le long terme si cela impliquait que tous les membres de l’association soient constamment lourds de tristesse et se sentent désespérés. Cette notion fait partie du “développement durable” des émotions : la colère, la tristesse ou l’agressivité nous épuisent, à contrario, la joie nous motive, nous donne des ailes. Pour aider au mieux et sur du long terme, la joie n’est plus un luxe, elle est une nécessité.
Si vous pensez que cela est naïf, “bisounours”, Matthieu Ricard propose l’expérience de passer une journée dans la colère, du matin au soir, puis d’observer comment nous nous sentons au coucher. Le lendemain, passer une journée dans la réjouissance et, à nouveau, observer notre état la nuit venue. Faites l’expérience vous-mêmes, et choisissez ce qui est le mieux pour vous.
Notre expérience est que la colère est un moteur utile mais qui consume son véhicule, quand l’enthousiasme est un combustible durable. Cela se ressent mais également par les données scientifiques : la joie est déclenchée par la sérotonine, l’endorphine et la dopamine. Or la dopamine renforce la motivation et stimule donc l’engagement. Cela crée donc un cercle vertueux.
Il ne s’agit pas de se forcer à être joyeux en toute situation, de renier sa tristesse, sa colère, sa frustration, ou, parfois, son sentiment d’impuissance, mais d’accueillir la gaieté, lorsqu’elle se présente, et de cultiver son lien à la mise en action, avec bienveillance. Dans certains cas, la colère pourra d’ailleurs être un formidable moteur de motivation.
Accueillir la joie dans l’action
Cela peut se faire en se rappelant d’apprécier le chemin et non seulement la finalité : ainsi, on ne conditionne pas notre satisfaction à l’atteinte de l’objectif fixé, mais on commence à la savourer dès que l’on se met en mouvement et que l’on voit que l’on n’est pas seul. La joie provient également de la raison pour laquelle nous sommes en action. Il y a donc une joie triple : celle de l’intention, celle du chemin en cours, et celle du résultat. Cela évite la création d’un cycle de frustration qui décourage et fait de la finalité un bonheur en plus plutôt qu’une condition obligatoire à la réjouissance. Nous décomposons l’action en beaucoup de plus petits pas possibles.
Cela se fait aussi dans la différenciation entre plaisir et satisfaction : une journée intense et difficile peut nous rendre profondément satisfaits à son terme, si le travail effectué avait du sens, plus qu’une journée composée de plaisirs momentanés.
Lisa, porteuse de projet et passeuse d’altruisme – Action for Karuna édition 2023
Lisa mène un défi sportif dans le cadre d’Action for Karuna. Ses proches peuvent ainsi la soutenir dans son aventure à vélo en contribuant à la cagnotte qu’elle a créée au profit de l’association. Dans son témoignage, elle nous parle de la joie que cet engagement lui procure.
« J’ai à chaque fois le sentiment de poser une petite pierre à l’édifice d’un monde auquel je crois profondément. Cela me fait du bien et m’incite à davantage de persévérance pour entreprendre ce type d’actions. Ce qui constitue finalement un incroyable cercle vertueux. »
Découvrez le témoignage de Lisa
Recevoir les sourires
En Inde, les femmes qui prennent part aux formations que Karuna propose au sein de ses programmes de développement économique, pour conduire des rickshaws sont étincelantes de joie. Pourtant, leurs journées sont dures : elles font un métier considéré masculin, sont souvent mal vues, et à cela s’ajoute la difficulté physique de leur occupation – parcourir de nombreux kilomètres sur des routes de montagne, avec des passagers parfois désagréables. Malgré ces difficultés, ces actions sont pleines de sens pour elles : autonomisation financière, initiative féministe, entreprenariat… Cette joie est communicative.
L’enthousiasme dans l’engagement permet de stimuler l’envie des personnes autour de nous de s’engager : nous nous inspirons les uns les autres. Et lorsque nous pouvons voir l’entrain et les sourires des personnes au service desquelles nous nous mettons, comme dans le cas des femmes conductrices de rickshaw, alors l’action prend d’autant plus tout son sens : quel indicateur de “performance” que la joie dans les yeux d’autrui !
La joie est donc une étincelle dans l’engagement : ni cause ni objectif, c’est un cadeau que l’on reçoit parfois, souvent, lorsque l’on donne de soi.