Dominée par les reliefs himalayens, la vallée de Ruby offre des paysages d’une beauté rare. Nommée ainsi en référence à la pierre précieuse, car des gisements s’y trouveraient, c’est une région montagneuse du centre du Népal. Faiblement peuplée – environ 11 000 habitants –  elle possède une culture riche et des traditions ancestrales qui se transmettent de génération en génération. En 2021, Karuna-Shechen y propose pour la première fois des programmes de développement. C’est d’ailleurs la seule ONG présente dans la région.

Une population aux origines diverses

La vallée est habitée par plusieurs groupes ethniques : ceux issus des migrations tibétaines et ceux issus des migrations indiennes. Ces derniers, des Dalits, des Kamis et des Gurungs, ne représentent qu’une petite part de la population de la vallée. Ce sont les descendants des Tibétains qui peuplent principalement la zone. Parmi eux, il y a des Tamangs, des Ghales, et des Newars.

Les Tamangs, très fortement majoritaires, descendent plus précisément de peuples nomades tibétains. Bien qu’ayant perdu de leur mobilité, les résidents actuels de la vallée ont gardé de leurs ancêtres un héritage important

D’abord, avec le langage : Tamangs et Ghales parlent le tamang, langue tibéto-birmane, et la plupart ne comprennent pas le Népalais.

Ensuite, avec la religion. Alors que l’hindouisme est la croyance majoritaire au Népal, elle est peu présente dans la vallée de Ruby. En effet, les origines tibétaines de beaucoup des locaux font du bouddhisme la religion principale de la région. Bien qu’un nombre croissant de conversion au christianisme ait été relevé ces dernières années, l’héritage bouddhiste reste très ancré dans la plupart des villages.

La vallée offre même un mélange religieux et spirituel unique : celui du bouddhisme et du chamanisme, également hérité des migrants tibétains. Cela est visible à la présence de nombreux chamans, faisant office de docteurs dans plusieurs villages.

Une tradition ancestrale qui célèbre la vie

Dans la culture Tamang, la vie est un cadeau et chaque personne doit être considérée comme un dieu. Ainsi, de nombreuses fêtes traditionnelles existent et célèbrent les grandes étapes de la vie. Khriti tyabpa pour nommer un nouveau-né, kyanwhaba pour célébrer son premier vrai repas, kshewar pour fêter le passage à l’âge adulte ou encore Jankhu pour honorer la longévité des personnes âgées, les cérémonies en l’honneur de la vie sont nombreuses. Celles en l’honneur des divinités le sont tout autant. Dashain, Tihar, Sankranti… chacune de ces fêtes célèbre un dieu ou une déesse et est l’occasion pour les locaux de chanter et de danser avec leurs proches.

Ces danses et ces chants font d’ailleurs partie intégrante de la culture de la vallée. Nommés Tamang Selo, ils ne sont pas réservés uniquement aux cérémonies. Ils accompagnent les populations dans les actes du quotidien.  Spécifiques à chaque action, ils permettent aux individus de s’entraider dans des moments pouvant être éprouvants. On les retrouve notamment lors du travail de la terre et avec les animaux – quasiment tous les habitants de la vallée étant agriculteurs ou éleveurs – ainsi que lors des longues marches dans la forêt à la recherche de bois. 

Cette ressource est en effet vitale pour les communautés locales, tant pour se chauffer que pour cuisiner, et tous les membres des villages participent à sa récolte, y compris les enfants. Ces derniers se lèvent plusieurs fois par semaine aux alentours de quatre heures du matin pour pouvoir ramener du bois avant d’aller à l’école à huit heures. Les femmes participent aussi grandement à cette tâche, pouvant porter des charges de plus de 80 kilos pendant plusieurs heures ! Le bois est aussi utilisé pour la construction des maisons, composées de ce matériau, de pierres et d’étain.

La fabrication d’alcool a une grande importance dans la tradition locale. Distillé à partir de produits cultivés sur place, il est notamment utilisé lors des fêtes et comme offrande lors des demandes en mariage. Celles-ci sont faites par la famille de l’homme à celle de la femme et leur acceptation signifie une réponse positive. 

Un territoire préservé, une population isolée

Alternance de montagnes – dont certaines avoisinent les 4 000 mètres d’altitude – de prairies, de forêts et de lacs, la région présente une palette de décors aussi variés qu’impressionnants. 

Cette diversité de reliefs, parfois extrêmes, fait de la vallée une zone particulièrement enclavée. Bien qu’elle soit située dans la province de Bagmati, comme Katmandou, l’accès à la région est très compliqué. Ainsi, pour parcourir les 80 à 100 kilomètres qui séparent la capitale de la vallée, il faut parfois compter jusqu’à un jour et demi de trajet.

Cette existence isolée du reste du pays, si elle a sûrement permis de conserver certaines traditions ancestrales et de protéger ses paysages, n’est pas sans contraintes.  En effet, un tel enclavement rend difficile tout accès à des infrastructures dispensant une éducation de qualité. Bien que des écoles soient présentes dans les villages, beaucoup de jeunes sont contraints de partir pour recevoir une meilleure formation. 

Un problème similaire est présent pour l’accès à la santé. La zone est un réel désert  médical. Si la plupart des habitations possèdent désormais toilettes et eau courante, ce qui a amélioré les conditions sanitaires de la région, cette absence de soins se fait grandement ressentir. Surtout en cette période, le moindre soutien compte.


La vallée de Ruby est une région sauvage où les communautés sont profondément attachées à leurs us et coutumes. Les conditions de vie peuvent être difficiles mais les habitants y forment une population reconnue pour sa gentillesse, son courage et l’accueil chaleureux qu’elle réserve aux rares visiteurs.