Surnommée la « Reine des collines », le Darjeeling est une région de l’Inde qui culmine à 3000 mètres d’altitude. Situé dans le Bengal Occidental en bordure du Népal, son panorama se confond aisément avec celui des hauteurs népalaises. À moins de 1000 km de là, le Kapilvastu au Népal offre un horizon moins connu dans ce pays, plat et sec, plus proche des paysages de l’Inde à sa périphérie. 

La langue et la culture de ces régions ressemblent étroitement à celles des communautés de l’autre côté de la frontière, entraînant leur marginalisation et une discrimination profonde. Les populations de ces régions vivent dans un paradoxe culturel et géographique qui accroît leur vulnérabilité économique et sociale. Chacune associée au pays voicin, elles sont les “oubliées” de leurs pays respectifs. 

Face à cette situation, Karuna-Shechen a souhaité déployer ses activités dans ces deux nouvelles régions à partir de la fin de l’année 2022. Comme toujours, nos programmes de développement holistique répondent aux besoins diversifiés des communautés.

1000 jours de préparation

L’approche de Karuna vise une évolution pérenne de la situation sociale et économique des populations accompagnées. 

Avant tout déploiement de programmes, nos équipes locales organisent une mission d’exploration avec des sessions d’échanges informels avec les populations et avec les autorités locales. Le but est de créer du lien et bâtir une confiance mutuelle pour définir les principales problématiques de la région. Ce travail préparatoire mène à l’élaboration d’outils et de méthodes collectivement choisis pour identifier les besoins. Ce processus est composé de trois outils : 

  • Des discussions, organisées sous la forme de groupes de travail semi-structurés. Les participants sont choisis pour discuter d’un sujet précis qui les concernent ;
  • Des interviews d’informateurs clés, invités à partager leurs expériences sur un sujet lors d’un entretien semi-directif ;
  • Des questionnaires pour faire émerger les enjeux socio-économiques auxquels les communautés sont confrontées.

L’altruisme en action, l’initiative communautaire 

Chez Karuna-Shechen, nous avons toujours fondé nos programmes sur une approche holistique, le développement n’étant possible que lorsqu’il y a une amélioration globale de la qualité de vie. C’est pourquoi, au lieu de nous concentrer sur un secteur spécifique tel que la santé ou l’éducation, nous répondons aux besoins multiples des causes de la pauvreté par le biais de programmes interdépendants dans plusieurs domaines d’intervention. Les deux années de pandémie sans précédent ont plongé des millions de personnes dans une pauvreté extrême, menaçant des années de lutte contre la précarité.

Un des principaux leviers pour s’attaquer à cette condition est de créer des opportunités de développer des compétences professionnelles et un potentiel entrepreneurial. Cette approche permet aux communautés de devenir autosuffisantes et autonomes.
C’est pourquoi depuis 2022, Karuna développe une approche unique, le modèle d’Altruisme en Action, comme une réponse globale à l’intense pauvreté. Il s’appuie sur un le développement piloté par les communautés (Community-Driven Development ou CDD).

Ce modèle a gagné en notoriété dans le secteur associatif, partout dans le monde ces dernières années, en tant que mécanisme puissant de réduction des inégalités. Mais alors que le CDD est basé sur la notion de subventions, nous avons conçu et adopté une version contextualisée du développement communautaire, plus adaptée au contexte de nos zones d’intervention, qui évite notamment la corruption et le népotisme.

Les bénéficiaires sont accompagnés par des coordinateurs de l’équipe de Karuna, spécialisés dans les différents secteurs d’interventions, mais aussi par les Motivateurs de Compassions, des personnes volontaires issues de la communauté, formées à nos programmes et méthodologies. Ils composent une partie des Conseils pour un Avenir Meilleur (Better Future Counsil ou BFC), qui regroupent jusqu’à une dizaine de villages, complétés par un homme et une femme représentant de chaque village.

Le Modèle d’Altruisme en Action renforce le pouvoir des communautés en les incluant dans la planification et la mise en œuvre de leur propre développement.

Des voix qui rayonnent

Les programmes pilotes utilisant le nouveau modèle d’intervention Altruisme en Action ont permis de renforcer les liens avec les populations rurales, notamment grâce au réseau des « Motivateurs de Compassion ». Ces membres jouent un rôle essentiel en tant que facilitateurs, inspirant et mobilisant la communauté pour une collaboration plus étroite et un soutien continu. Ils sont eux-même issus de ces régions, et formés pour accompagner la collectivité.

« Je participe aujourd’hui pour la première fois à un programme de formation sur la santé et l’hygiène menstruelle, après avoir participé à des programmes de sensibilisation sur le même sujet. Le matériel pédagogique utilisé et le langage simple employé pour mener cette session de formation m’ont donné confiance pour donner une formation similaire aux adolescentes de mon village » – Sandhya Yogi, 24 ans, formée comme motivatrice de compassion. 

Au Darjeeling c’est plus d’une centaine de personnes qui ont été formées comme motivateurs de compassion.

L’établissement de Conseils pour un Avenir Meilleur a également été une étape cruciale. Ces conseils, reflétant la diversité de la communauté, sont au cœur du processus décisionnel, identifiant les priorités de développement, co-concevant des solutions adaptées, mettant en œuvre les projets et assurant une surveillance continue

Les Conseils mis en place en Inde et au Népal se réunissent chaque mois depuis le début de l’année pour discuter de l’avancée des projets au sein des communautés ainsi que de l’expansion et l’implémentation de nouveaux programmes. Les membres, un homme et une femme élus par village, se font ainsi le relais des besoins des populations et font écho des projets ouverts à eux. Ce conseil agit comme boussole, donnant une impulsion aux programmes de Karuna : le soutien aux micro-entreprises, la distribution de semences ou encore les formations professionnelles. 

En favorisant les comportements altruistes et la réflexion de groupe pour engager un développement collectif, le modèle d’Altruisme en Action trace une trajectoire positive dans la lutte contre la pauvreté. Karuna cherche alors à renforcer l’engagement de l’organisation envers les personnes et assurer un avenir marqué par la résilience, l’autonomie et la compassion.

Participez au développement
du potentiel altruiste des communautés 

Les Conseils du Darjeeling ont mis en avant un fort enjeu relatif au développement économique. Au Kapilvastu, les communautés ont plutôt exprimé un besoin relatif à l’éducation. Dans les deux régions rurales, la santé et l’hygiène apparaissent aussi comme des priorités à adresser.

Gayatri Khatri est la présidente du Conseil pour un Avenir Meilleur de sa municipalité au Népal. Elle partage avec nous les efforts déployés pour améliorer les conditions de vie des communautés. 

L’éducation, fondement de l’avenir

Au Kapilvastu, l’évaluation des besoins dans la municipalité rurale de Yashodhara a révélé des statistiques inquiétantes, soulignant le besoin urgent d’intervenir dans le secteur de l’éducation. Le taux d’alphabétisation ne dépasse pas 52 % et un taux de décrochage scolaire de 81% témoigne de la situation alarmante dans ce secteur. L’absence d’écoles dans les villages aggrave davantage les disparités dans l’accès à l’éducation.

Parmi les activités visant à résoudre ces problèmes, population et coordinateurs se sont engagés dans la mise en place de formations d’enseignants à la petite enfance. L’objectif est de donner les clés d’une éducation respectueuse de l’esprit des plus jeunes, améliorer la qualité de l’enseignement mais aussi mettre en place des classes parentales menées sur une base communautaire pour la sensibilisation et la formation au développement durable.
Favoriser l’éducation est une base essentielle du développement des communautés pour étendre le champ de leurs possibilités. Accéder à une formation adéquate dès le plus jeune âge permettra aux jeunes générations de se créer un futur qu’ils peuvent maîtriser.

Participez au développement de l’éducation au Kapilvastu

Néanmoins conscientes de l’interdépendance des causes de l’extrême pauvreté, les communautés du Kapilvastu et du Darjeeling, accompagnées par les équipes de Karuna, ont mis en avant l’absence d’indépendance financière. La sécurité économique est un enjeu essentiel pour les populations les plus défavorisées. Elle détermine la possibilité pour les parents d’offrir une bonne éducation à leurs enfants mais aussi un accès à la santé.

Dans ces deux nouvelles régions d’intervention, les équipes de Karuna proposent alors des projets visant à développer cette indépendance financière, travaillant à la sécurité économique à long terme des communautés.

L’indépendance financière

Lassang Tamang, âgée de 49 ans, a non seulement pu cultiver un jardin potager avec des graines fournies par Karuna-Shechen, mais l’a également exploité pour démarrer une petite entreprise. Elle lui a permis d’élargir ses compétences, et a ressuscité un intérêt nouveau pour l’agriculture. En interagissant activement avec la communauté, Mme Tamang s’est imposée comme une source de motivation, inspirant d’autres femmes du village à embrasser la culture des légumes. Sa participation impactante a facilité la distribution de 50 paquets de graines à plus de 50 foyers.

Pendant la phase pilote, 12 bénéficiaires de petites entreprises ont été suivis au Darjeeling. Les participants soumettent un projet dont ils sont tant les acteurs que les bénéficiaires. Karuna s’engage alors à les accompagner et à financer la création de cette entreprise par le biais de prêts. Seule 50% de cette avance devra être remboursée par les bénéficiaires. 

Un exemple frappant du pouvoir transformateur de l’indépendance financière est l’histoire de Manoj Mukhiya, un chef de famille de 48 ans. Confronté aux défis d’être le seul soutien financier de sa famille et inspiré par les traditions agricoles familiales, Manoj a décidé de se tourner vers l’agriculture. Propriétaire d’un jardin de thé dormant depuis neuf ans, il a reconnu le potentiel de revitaliser la terre pour la cultiver à nouveau.L’introduction de Manoj à Karuna-Shechen a eu lieu lors d’une réunion du Better Future Council (BFC) à Sukrabarey, dans lequel il représentait son village.

C’est au cours de ces réunions que Manoj a pu être familiarisé avec le programme d’aide aux petites entreprises. Après avoir formulé un plan complet et soumis une proposition d’affaires, il reçut 10,000 roupies de l’organisation, soit un peu plus de 100 euros. Investissant les fonds dans la construction d’une hutte, Manoj s’est concentré sur la vente de légumes pendant la saison morte, stockant des graines pour une utilisation future. 

Au-delà des gains financiers, l’approche de Manoj s’étend à la promotion des liens communautaires. En distribuant ses produits en signe de bonne volonté, il a cultivé des relations amicales avec ses pairs et ses voisins. Animé par le désir d’améliorer ses compétences, il envisage des efforts supplémentaires, cherchant une formation en agriculture pour approfondir sa compréhension du secteur. Dans la région c’est près de 300 personnes qui ont pu bénéficier de formations professionnelles. 
Dans la quête de l’indépendance financière, Manoj incarne la résilience, l’adaptabilité et la collaboration communautaire.

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