Parmi les nombreuses fêtes hindoues, Holi se distingue comme la plus vibrante. Le festival des couleurs, comme on l’appelle affectueusement, est célébré cette année le 28 mars. Bien que Holi, dans sa forme la plus authentique, mêle le rire et l’amour, le festival a connu ces dernières années une recrudescence de criminalité, notamment de harcèlement sexuel, de vols et de consommation de drogues.
Le mythe de holi
La légende la plus courante et la plus populaire sur les origines de Holi est celle d’un démon nommé Holika. Selon la mythologie ancienne, Hiranyakashyap, le roi des démons, se considérait fièrement comme invincible et exigeât que tout le monde le vénère comme le seul Dieu. Le fils d’Hiranyakashyap, Prahlad, refusa d’obéir aux ordres de son père et continua à vénérer Vishnu. Furieux de la désobéissance de son fils, le roi démon complota pour tuer Prahlad. Il demanda l’aide de sa sœur Holika, qui possédait un manteau magique qui la protégeait du feu. Holika mena Prahlad avec elle sur un bûcher et ce dernier pria avec ferveur le Seigneur Vishnu de le sauver. En réponse aux prières de l’enfant, la cape protectrice qui enveloppait Holika s’est miraculeusement envolée vers Prahlad, couvrant son corps et le sauvant du feu tout en brûlant à mort la vicieuse Holika.
Les célébrations de holi – un fossé entre la campagne et la ville
Commémorant la victoire du bien sur le mal, le rituel de Holika Dahan est accompli chaque année à la veille de Holi, où de grands feux de joie sont allumés et des prières sont offertes à Dieu. Dans la vallée de Katmandou, le festival commence par l’élévation d’un poteau cérémonial décoré de bandes de tissu coloré. Les dévots y nouent des tissus et allument des lampes à huile pour offrir des prières au mât, qui est ensuite réduit en cendres. Le festival de couleurs a lieu le lendemain.
Dans les villages indiens et dans la région du Teraï au Népal, les gens suivent la coutume traditionnelle de commencer la fête de Holi en s’enduisant des cendres sacrées laissées par le feu de joie de la veille. Les communautés villageoises se rassemblent ensuite en grand nombre pour s’asperger d’eau et de poudre de différentes couleurs. La musique folklorique traditionnelle est l’une des caractéristiques de Holi dans l’Inde rurale. Comme le souligne Satyendra Prasad, responsable du programme de jardins potagers, “dans le Bihar, différents types de musique folklorique comme le Jhamta et le Chaita sont chantés pour accueillir le printemps et célébrer le festival des couleurs“. À l’inverse, dans les zones urbaines, Holi a bien changé. Les fêtes en piscine, la danse sous la pluie colorée, les danses de Bollywood, les jeux d’eau, les DJ célèbres et les performances sur scène de musiciens renommés dominent la culture urbaine indienne et népalaise de Holi.
Laisser la place aux femmes
Les femmes urbaines jouissent aujourd’hui d’une plus grande autonomie. Les villes indiennes voient un mélange d’hommes et de femmes dans les rues avec le même enthousiasme lors de Holi. Dans les zones périurbaines et rurales, les célébrations de rue sont dominées par les hommes et les enfants. Anyesha Nandi, responsable de la communication de Karuna-Shechen Inde, nous fait part de son expérience : “Ayant grandi dans une ville métropolitaine, j’ai été surprise parles célébrations de Holi à Bodhgaya, où je ne voyais pratiquement aucune femme à l’extérieur“. Les femmes, en particulier celles qui sont mariées, jouent généralement à Holi chez elles avec leurs proches, tandis que les jeunes filles sont autorisées à jouer dans les rues près de leur maison.
Alors que Holi, dans sa forme la plus authentique, consiste à répandre le rire et l’amour, le festival a malheureusement connu ces dernières années une recrudescence de criminalité notamment de harcèlement sexuel, de vols et de consommation de drogues. Les commentaires obscènes, le jet non consenti de couleurs et les agressions sont en hausse. Les hommes sous l’emprise du bhang – une forme comestible de cannabis – ou ceux qui utilisent intentionnellement des couleurs pour masquer leur identité, ont tendance à profiter de la ferveur festive. Par crainte du harcèlement, la mobilité des femmes est compromise pendant le festival. La société patriarcale estime qu’il incombe aux femmes d’être plus prudentes et ainsi justifient le comportement des hommes. Rojina Karmacharya, responsable de la communication de Karuna-Shechen Nepal, nous confie : “Pour moi, Holi est toujours associé à la terreur et à la crainte constante que je ressentait petite, lorsque j’allais à l’école pendant le festival, c’est pourquoi je n’ai jamais aimé le célébrer.” Cela reflète bien la situation des femmes, dont l’espace personnel et le consentement ne sont pas toujours respectés, contrairement à leurs homologues masculins.
Holi, lorsqu’il est joué comme il est censé l’être – de manière sûre et consensuelle – est un festival inégalé en termes de dynamisme, d’amusement, de joie et de bonheur. Il diffuse également un message d’égalité : lors de la fête de Holi, tous portent le même habit, celui de la couleur.