L’une des composantes essentielles du bonheur tient en trois mots : altruisme, amour et compassion. Comment pourrait-on trouver le bonheur pour nous-mêmes, alors qu’autour de nous les êtres ne cessent de souffrir ? De plus, quoi qu’il arrive, notre bonheur est étroitement lié à celui des autres.

Matthieu Ricard, Le Moine et le Philosophe (1999)

Présente en Inde, au Népal et au Tibet depuis maintenant 20 ans, Karuna-Shechen apporte son soutien aux Amis du Bhoutan , seule association francophone agissant dans le pays, fondée en 1987.

Le Bhoutan a longtemps été un pays mystérieux et inconnu de l’Occident. Aujourd’hui peuplé de 750 000 habitants, le Bhoutan partage ses frontières avec l’Inde et le Tibet. Surnommé le “pays du bonheur” dans la presse, ce pays doit néanmoins faire face à une pauvreté endémique.

Le bonheur et le bien être, un paradigme de vie au Bhoutan

“Le bonheur véritable n’est pas une suite sans fin de sensations plaisantes, ce qui ressemble davantage à une recette pour l’épuisement qu’à la quête du bonheur. Le bonheur véritable est une manière d’être qui va de pair avec l’amour altruiste, la force intérieure, la liberté intérieure, et la sérénité, et qui jour après jour, mois après mois, peut être cultivée comme une compétence.” explique Matthieu Ricard lors d’une conférence aux Nations Unies (2012). 

Le Bhoutan a été le premier pays au monde à ériger le bonheur en politique d’État. Niché au cœur de l’Himalaya, ce petit royaume refuse “la dictature du produit intérieur brut (PIB)” et de la croissance économique à tout prix, en proposant un nouvel indicateur de richesse : le Bonheur National Brut (BNB)

“À une époque de dévastation environnementale et de destruction culturelle globales, à un moment de faillite montante et d’effondrement de notre ordre économique mondial, le monde a désespérément besoin d’une alternative à l’obsession matérialiste et consumériste qui a provoqué de tels ravages”, s’exprime le Premier ministre du Bhoutan Jigmi Thinley lors d’une conférence des Nations Unies (2012).

L’indicateur du Bonheur National Brut (BNB) revêt plusieurs dimensions: il est holistique, reconnaissant les besoins spirituels, matériels, physiques ou sociaux de la population. Il met l’accent sur un progrès équilibré et écologiquement durable en quête du bien être pour la génération actuelle et les suivantes. Ainsi le Bonheur National Brut s’appuie sur 4 piliers : une bonne gouvernance, un développement économique durable, la protection de l’environnement, et la préservation de la culture. 

Pendant la pandémie de Covid-19, le pays s’est organisé de façon à gérer la situation sanitaire au mieux, enregistrant le plus faible nombre de cas dans le sous-continent indien. Le gouvernement a pris beaucoup de mesures pour le bien-être de sa population et pour l’économie. Bien que les indemnités de chômage n’existent pas, le gouvernement a su réagir à la pandémie et la perte d’emplois de nombreux Bhoutanais, notamment dans le secteur du tourisme. Un salaire minimum a été instauré et les loyers des petits commerçants ont été suspendus par les banques. le temps de la crise, afin de permettre aux commerces de survivre. 

Les habitants se sont eux aussi mobilisés et ont fait preuve de bienveillance, témoigne Françoise Pommaret, présidente de l’association les Amis du Bhoutan : “Tout a été mis en place pour que cette crise terrible n’entraîne pas un malheur pour la société mais aussi pour l’économie.” Certains ont fait don de leurs récoltes aux personnes dans le besoin, d’autres ont mis des chambres d’hôtel à disposition pour placer des patients en quarantaine. Sur la base du volontariat, des jeunes ont été recrutés pour aider les personnes âgées ou isolées afin de leur apporter de la nourriture et des médicaments. La gestion de la crise met en lumière l’esprit de solidarité qui existe au Bhoutan

Un besoin d’agir pour les populations défavorisées

Pourtant, dans ce petit royaume himalayen, la vertu du BNB a ses limites. La culture du bonheur, de la bienveillance et de la solidarité ne permet pas à elle seule de lutter contre la pauvreté. 

Demeurent des inégalités, et une vulnérabilité importante des populations rurales. 10,2% de la population vit en dessous du seuil international de pauvreté et le taux de mortalité infantile s’élève à 3,2% contre 0,2% en France d’après les chiffres publiés par Unicef.

Bien que le chômage ne dépasse pas les 3% de la population active d’après la Banque Mondiale, les jeunes restent très touchés. 11,2 % des moins de 24 ans sont sans emploi. La plupart d’entre eux sont pourtant diplômés de l’enseignement supérieur, mais rencontrent des difficultés à trouver un emploi en dehors du secteur agricole. Le Bhoutan reste un pays pauvre, où les conditions de vie sont rendues difficiles par des régions montagneuses avec peu d’infrastructures. La limite d’un indicateur lié au bonheur est d’en oublier les inégalités et la pauvreté endémique qui guettent le pays. 

Les Amis du Bhoutan, à travers différentes actions – comme le parrainage d’enfants ou encore la construction de foyers – apporte son soutien aux personnes dans le besoin. Elle œuvre aussi aux côtés de la Fondation Loden sur un projet de bourses entrepreneuriales destinées aux jeunes en milieu rural. 

Traditionnellement, l’activité économique au Bhoutan est centrée sur l’agriculture et le commerce. Dans un monde en mutation rapide, ces activités ne peuvent pas apporter une valeur ajoutée et une croissance économique suffisantes ni fournir des emplois au nombre croissant de jeunes gens instruits qui entrent chaque année sur le marché du travail. 

Le développement d’une culture dynamique de l’esprit d’entreprise, dans le respect de la culture locale, peut constituer une solution pour répondre à ces besoins, selon Françoise Pommaret. C’est dans ce contexte que la Fondation Loden propose aux jeunes entrepreneurs sans garants des prêts à taux zéro, afin de leur permettre de lancer leur propre entreprise. Grâce à ce programme, plus de 3 OOO emplois ont été créés en 20 ans. 

Karuna-Shechen soutient l’Association des Amis du Bhoutan afin de cheminer, chaque jour un peu plus, vers un monde plus juste et plus altruiste.