Comment expliquer les bonnes résolutions qui s’effacent en même temps que le mois de janvier, le record d’audience française pour la Coupe du monde au Qatar malgré les annonces de boycott, ou encore le pincement au cœur que l’on ressent lorsque l’on passe devant une personne sans-abri sans lui donner une pièce ? 

En clair, comment expliquer le décalage entre nos convictions et nos actions ? Et surtout, comment en prendre conscience pour adopter un comportement aligné à nos valeurs ? 

C’est une belle harmonie quand le dire et le faire vont ensemble. 

Montaigne

Comment expliquer nos comportements ?

Les recherches en sciences comportementales

Les sciences comportementales étudient les activités et interactions entre les organismes vivants. Depuis la fin du XXe siècle, les études ont tenté de comprendre les mécanismes impliqués dans nos prises de décisions individuelles et nos agissements. Les résultats sont particulièrement intéressants pour la conception de politiques publiques ou de programmes de développement plus efficaces, et particulièrement dans les domaines de la consommation, de la santé ou de l’écologie

Plusieurs théories ont émergé pour tenter d’expliquer ce qui nous pousse à agir comme nous le faisons. Certains facteurs peuvent être internes ou externes, conscients ou non, ponctuels ou constants. Ils peuvent à la fois constituer des raisons pour agir comme des obstacles au changement

L’intention et la théorie du comportement planifié

La première théorie provient du modèle socio-cognitif. Il s’agit de la théorie du comportement planifié (TCP), qui complète celle de l’action raisonnée (TAR). Développée par en 1985 Icek Ajzen, la TCP soutient que l’intention est un indicateur du comportement qu’un individu va adopter. Cette intention est influencée par trois critères :

  • Son attitude vis-à-vis dudit comportement : est-ce bien/profitable d’agir ainsi ?
  • L’existence d’une norme sociale subjective (existante ou perçue par l’individu) : comment la société perçoit ce comportement ? que vont penser les gens si j’adopte ce comportement ?
  • Le contrôle perçu par l’individu sur le comportement : suis-je capable d’agir ainsi ?

Ainsi, lorsque les trois critères sont remplis, le comportement devrait être aligné. Néanmoins, même si plusieurs études ont validé cette théorie fondatrice, il arrive que notre comportement réel soit en décalage avec notre intention, nos valeurs et/ou nos attitudes. C’est ce qu’on appelle le « value-action gap» ou «intention-behaviour gap ». L’intention seule n’explique donc pas forcément tous nos agissements.

La motivation

Vous entendez peut-être la voix dans votre tête débattre avec votre paresse et essayer de vous motiver à aller faire du sport, déclarer vos impôts ou, cette fois ça y est, arrêter de fumer. Mais toutes les motivations se valent-elles ? Le modèle humaniste postule qu’il existe différentes sortes de motivations et que toutes ne sont pas à privilégier pour agir de manière congruente. 

La motivation intrinsèque provient de la sensation agréable ressentie par une personne lorsqu’elle accomplit l’activité donnée ou se comporte d’une certaine manière. La sensation de fierté d’avoir appris ou accompli quelque chose ou d’avoir été stimulé(e) constitue une récompense motivante. Par exemple, se rendre au travail parce que l’on aime ce que l’on fait et que l’on se sent utile. 

La motivation extrinsèque liée aux effets externes résultant du comportement : la carotte (récompense attendue) ou du bâton (la punition que l’on cherche à éviter). Elle peut provenir (et c’est l’idéal) d’un objectif à atteindre, d’un gain espéré ou (malheureusement) d’une pression sociale ou d’un sentiment de peur, de honte ou de culpabilité. Une personne peut accomplir une tâche pour obtenir une augmentation ou n’accepter d’aller au restaurant avec son équipe que par peur de mal se faire voir en cas de refus. 

Les études ont montré que la motivation intrinsèque générait plus de régularité ainsi que des performances de meilleure qualité et constantes. Elle est favorisée par trois critères : l’autonomie dans l’activité, la compétence (et le fait de se sentir utile) et l’attachement que l’on a aux personnes ou sentiments qui y sont liés. 

L’environnement

Parmi les autres théories, on compte le modèle socio-écologique qui suggère que tous les éléments constituant notre environnement sont susceptibles d’affecter notre comportement. Plusieurs niveaux sont à prendre en compte : intra-personnel (âge, sexe, processus cognitifs), inter-personnel (influence des proches et des pairs), organisationnel (associations, école), communautaire (contexte social) et politique (du local au national).

Les habitudes et automatismes

Le modèle duaux quant à lui fait part de l’importance des automatismes créés, qui sont parfois durs à changer, notamment en ce qui concerne les gestes quotidiens. C’est sans doute pour cela que l’on achète toujours les mêmes marques, peu importe leur nocivité ou que l’on prend sa voiture pour de courts trajets parce que l’on a toujours fait comme ça. 

Les efforts nécessaires

Changer peut impliquer des sacrifices. Parfois, la gratification immédiate de l’action incohérente prime sur le projet long-terme. C’est par exemple l’appel de la viande qui prime sur notre sensibilité animale ou notre conscience écologique. Le projet peut également être trop ambitieux et donc sembler inatteignable et nous décourager. Comme faire un régime drastique du jour au lendemain avant de l’arrêter au bout d’une semaine.

La difficulté à se sentir concerné

On entend aussi parfois dire : « À mon échelle, je ne peux rien faire contre le réchauffement climatique. Ce sont les politiques publiques et les grandes entreprises qui ont vraiment la mainmise. » Le fait de se sentir impuissant ou inefficace dans une lutte bride notre envie d’agir parce que l’on ne veut pas faire d’efforts inutiles. Il en va de même pour le fameux : « pourquoi est-ce que je ne prendrais pas ma voiture pour aller juste à côté alors que telle ou telle personne prend son jet privé ? ». Personne ne veut agir en vain tandis que d’autres gardent le même mode de vie. Et ça peut être décourageant !

Agis de telle sorte que la maxine de ton action puisse être érigée en loi universelle de la nature.

Kant

Enfin, il arrive que l’on ne se sente pas directement concerné par les conséquences de nos actions (ou de celles de la société). C’est notamment le cas lorsque les effets sont lointains, dans l’espace ou dans le temps, comme les maladies que l’on ne développera que des années après à la suite d’une mauvaise hygiène de vie. 

Toutes ces théories (dont la liste n’est pas exhaustive) ne sont pas exclusives les unes des autres. Certains spécialistes évoquent par exemple le rôle des regrets anticipés ou de la détermination personnelle.

Découvrez notre micro-trottoir sur l’interdépendance et l’altruisme

Dissonance cognitive : d’où vient ce nœud dans la poitrine ?

Les raisons que nous avons d’agir tel que nous le faisons sont diverses. Et parfois, elles nous amènent à des actions qui ne sont pas en cohérence avec nos valeurs. Cela crée la dissonance cognitive, une tension interne théorisée par Leon Festinger en 1957. Cette dissonance se fait ressentir lorsque l’individu a conscience de l’incohérence entre ses cognitions et ses actes. Face à la dissonance cognitive, nous avons tendance à justifier nos actes, pour créer une cohérence artificielle avec nos valeurs, mais nous pouvons aussi choisir de changer nos comportements, comme nous l’expliquons dans la deuxième partie de cet article.

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